Devenir une plate-forme de rencontres annuelle permettant à tous les acteurs culturels, quelles que soient leurs origines et leurs langues, de se rencontrer et d’échanger afin de faire de l’art et la culture une industrie à part entière du continent africain, tel est objectif du RAPEC (le Réseau africain des promoteurs d’événements culturels). Son lancement officiel aura lieu le lundi 19 novembre, à Ouagadougou, au Burkina Faso.
Le président du RAPEC (Réseau africain des promoteurs d’événements culturels), John Ayité Dossavi, Togolais de 45 ans, est un homme de médias et un fin connaisseur de la culture africaine. En France, il a collaboré depuis le début des années 1990 avec de nombreux organes de presse et officie actuellement sur, entre autres, les ondes de Fréquence Paris Plurielle (F.P.P) et Radio Enghien (I.D FM), en assurant parallèlement le rôle de correspondant en Europe de radio Zéphyr FM (Togo) et de représentant de la T V T, télévision nationale togolaise. Depuis plus de 15 ans, il sillonne l’Afrique en apportant sa contribution à plusieurs événements culturels panafricains tels que les Bénin Golden Awards, Africarap (Togo), les Sica (Panafricain), les Kundé d’or (Burkina Faso), Afrikakeur (Sénégal)… Collaborateur extérieur d’Afrik.com depuis 2002, c’est avec l’ancien rédacteur en chef de notre quotidien en ligne, David Cadasse, qu’il a eu l’idée de créer le RAPEC. Il nous a révélé les origines et les ambitions de ce nouvel outil.
Afrik.com : Pourquoi voulez-vous créer un Réseau africain des promoteurs d’événements culturels ?
John Dossavi : Après plusieurs observations, des voyages d’investigation, des confrontations de vue avec différents promoteurs culturels d’Afrique et de la diaspora, nous avons constaté qu’il se tenait plus de 300 événements culturels sur le continent africain, dans les domaines de la musique, de la danse, de la mode, du théâtre, du cinéma, des arts plastiques et de l’artisanat. Sur ces centaines d’événements, nous avons relevé seulement une petite dizaine d’entre eux qui bénéficie de la médiatisation nécessaire sur le continent comme à l’extérieur. Un chiffre qui montre bien à quel étage est logée la culture en Afrique et combien la vitalité culturelle africaine est méconnue. Nous partons du principe que l’art et la culture servent de fondement identitaire et sont des mines d’or qui, si elles sont bien gérées, peuvent devenir des sources de revenus pour le continent. Donc, pour répondre à ce besoin, nous avons pensé que la création d’un réseau des promoteurs d’événements culturels s’imposait.
Afrik.com : N’y a-t-il absolument aucune structure de ce type en Afrique ?
John Dossavi : Non, il n’y a aucun réseau, à part ceux, non officiels, existant entre des amis. Aucune plate-forme d’information et d’échange n’existe. Donc, nous voulons créer une organisation avec un double objectif : rapprocher les structures participant à la valorisation de la culture africaine ainsi que leurs responsables, et placer la culture au centre des préoccupations des dirigeants africains.
Afrik.com : Dans le dossier de présentation de votre organisation, vous soulignez que la culture est la grande absente de la politique de développement africaine et que, d’ailleurs, elle ne fait pas partie des 10 priorités du NEPAD (Nouveau Partenariat pour le Développement Africain). Comment expliquez-vous cet état de fait ?
John Dossavi : C’est parce que la culture n’est pas considérée, par la plupart des responsables politiques africains, comme une source de revenus. Or, on sait que la culture rapporte beaucoup aux Etats-Unis, à l’Europe. Combien de millions de dollars rapporte Hollywood chaque année ? En France, où il y a plus de 3000 festivals, ceux de La Rochelle, de Cannes, certes subventionnés, gagnent de l’argent. En Afrique, il n’y en a pas beaucoup qui peuvent se venter de faire des bénéfices… Il faut donner une place de choix à la culture pour permettre aux Africains d’avoir foi et considération en eux-mêmes, pour permettre le développement d’identités culturelles fortes. D’autre part, les déclarations d’un certain chef d’Etat occidental dans lesquelles on nous apprend que l’Afrique et les Africains ne sont pas suffisamment entrés dans l’histoire devraient nous interpeller à cet effet…
Afrik.com : A quoi servira le RAPEC, concrètement ?
John Dossavi :Le RAPEC se veut une plate-forme de rencontre permettant aux promoteurs culturels, aux mécènes, aux annonceurs, aux autorités compétentes, aux institutions nationales et internationales spécialisées, aux médias, de faire de la culture africaine une industrie à part entière. Leur offrir un cadre d’expression permettra un échange de points de vue des acteurs culturels. Par exemple, si aujourd’hui, on veut savoir ce qui se passe dans tel ou tel pays d’Afrique en matière culturelle, on ne le peut pas. Donc, nous réaliserons une base de donnée consultable à travers le monde. Et nous tacherons de dépasser l’héritage colonial qui fait qu’aujourd’hui il y a des Afrique lusophone, hispanophone, anglophone, francophone. Les Africains de toutes ces aires linguistique pourront mieux se connaître, échanger plus facilement.
Afrik.com : Le RAPEC permettra-t-il aux organisateurs d’événements de trouver des sources de financement plus importantes ?
John Dossavi : Le RAPEC proposera des stratégies pour aider les promoteurs culturels à rechercher des fonds et monter des plans de communication efficaces. Il sera aussi un important centre de ressources par la richesse des personnalités qui le composeront. Il pourra servir de base de données pour les annonceurs. Directement au siège des grandes sociétés, en évitant certains intermédiaires qui favorisent leurs copains, on pourra savoir quels événements soutenir ou éviter. D’autre part, il faut savoir que sur le continent, certaines personnes s’improvisent promoteurs culturels, donc il est nécessaire de leur offrir des conseils de professionnels, de les accompagner dans leur démarche. Nous ne sommes pas moralisateurs. Nous fairons des propositions, nous n’imposerons rien.
Afrik.com : De quels moyens disposera le RAPEC ?
John Dossavi : D’abord, nous pensons aux moyens humains. Toutes les bonnes volontés seront regroupées pour travailler ensemble. Si ce réseau n’est pas mis en place aujourd’hui, il faudra attendre au moins dix ans. Nous démarrerons avec nos propres fonds. C’est ce que j’ai fait par exemple. Je vis à Paris, je me suis débrouillé pour venir à Ouagadougou, et c’est aussi ce que font les autres membres du RAPEC. Il faut croire soi-même en son projet avant de se tourner vers les autres.
Afrik.com : Pourquoi avez-vous choisi Ouagadougou pour le lancement de l’organisation ?
John Dossavi : On sait que de nos jours l’image compte énormément. Le Burkina Faso est la première vitrine du cinéma africain, avec le FESPACO, et de l’art et de l’artisanat avec le SIAO. Si j’étais anglophone, peut-être aurais-je pensé à l’Afrique du Sud. Etant francophone, j’ai plus de facilité à organiser les choses dans un pays comme le Burkina Faso. Et puis, vous savez, les Burkinabé sont très accueillants. Je les remercie pour la chaleur de leur accueil et d’avoir accepté que le bureau du RAPEC se trouve chez eux.
Afrik.com : Quels délais vous donnez-vous pour que le RAPEC devienne une structure efficiente ?
John Dossavi : Nous prendrons notre temps. Il faudra de la patience pour convaincre un maximum de personnes. Au début, elles viendront sur la pointe des pieds à nos débats. Pour le moment, nous avons obtenu l’adhésion d’une trentaine de partenaires culturels dans toute l’Afrique. Dans le bureau du RAPEC, il y a aujourd’hui des spécialistes de la culture et de la communication. Des hommes et des femmes tels que l’Ivoirien Soumaoro Saint-Félix, notre secrétaire général, le Burkinabè Arouna Savadogo, secrétaire permanent, le malien Boukana Maïga, qui est conseiller, la comédienne et productrice burkinabè Aminata Diallo (dite Kadi Jolie), le journaliste martiniquais David Cadasse, co-concepteur et premier collaborateur du RAPEC, qui occupe le poste de commissaire en stratégie et adjoint à la communication.
Lundi, nous lancerons officiellement l’organisation lors d’une conférence de presse à Ouagadougou. Le 24 de ce mois, nous la présenterons également au festival SICA du Bénin. Dans le courant de l’année 2008 jusqu’en février 2009, nous organiserons des rencontres dans chacune des grandes zones économiques de l’Afrique (UMOA,CEDEAO, CEMAC, MAGHREB, SADC). Et c’est en juin 2009 que le RAPEC organisera son premier congrès panafricain. Il faut que nous menions cette mission à bien. Il est important que les générations futures africaines ne nous accusent pas d’avoir laissé étouffer notre culture, qu’elles ne nous traitent pas de génération indigne.
La conférence de presse suivie d’un cocktail se tiendra le lundi 19 novembre 2007, à 8h30, à la salle Afia de l’hôtel Indépendance Azalaï de Ouagadougou.
Contact :
RAPEC. Siège Koulouba, Secteur 5, rue 39, Porte 78 10 BP 356. Ouagadougou. 10 Burkina Faso.
Tél. : +33 6 12 79 04 78
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Courriel : contact@rapec.net