Le Réseau éducation sans frontières et le Collectif des cinéastes pour les sans-papiers ont lancé, mercredi, la campagne « Laissez-les grandir ici ! » Une pétition, signée par de grands noms du cinéma français, et un spot diffusé dans 400 salles obscures doivent sensibiliser la population aux drames vécus par les enfants de parents sans-papiers.
« Nous ne voulons plus vivre dans la peur. Nous voulons que la France nous adopte. Nous voulons être régularisés. Laissez-nous vivre ici. » Ce message est la colonne vertébrale du spot de sensibilisation de 2’10 minutes, dans lequel 16 enfants originaires de différents continents témoignent des craintes qui les étrillent au quotidien. Ils racontent leur peur de voir leurs parents expulsés ou de devoir prendre un aller simple forcé vers leur pays d’origine, où ils n’ont jamais mis les pieds. Diffusé depuis mercredi après-midi en France dans quelque 400 salles de cinéma, le film entre dans le cadre de la campagne « Laissez-les grandir ici ! »
Pétition pour les sans-papiers
L’initiative a été mise en place grâce à un partenariat entre le Réseau éducation sans frontières (RESF) et le Collectif des cinéastes pour les sans-papiers. RESF, qui a organisé mercredi après-midi une manifestation de soutien aux sans-papiers, a d’ailleurs lancé une pétition nationale, également disponible en anglais, que plus de 4 500 personnes ont déjà signé en ligne. Parmi les nombreux soutiens, individuels ou collectifs, chez les professionnels du cinéma et de l’audiovisuel, on compte notamment Yamina Benguigui, Josiane Balasko, Abderrahmane Sissako, Hubert Sauper, Jacques Martial et la Guilde des réalisateurs et producteurs africains.
L’actrice française d’origine sénégalo-malienne Aïssa Maïga raconte ainsi son soutien à cette campagne : « Il y a plusieurs raisons, qui se rejoingnent. Le thème de l’immigration est complètement instrumentalisé par la quasi-totalité de la classe politique française, et en particulier par l’extrême droite et la droite. Ce qui me heurte, c’est que les demandeurs ne savent pas sur quel pied danser. La loi devient l’exception, elle fonctionne à la tête du client. Certains vont remplir les critères mais seront déboutés… C’est le contraire même du principe de la démocratie. Je veux que les lois soient plus justes et que tous bénéficient des droits qui sont les leurs. Sans arbitraire ».
Pour le film, RESF s’est proposé pour trouver des enfants, qui vivent tous une situation familiale difficile. Selon Simone Bitton, cinéaste-documentariste membre du collectif des cinéaste, il n’y pas eu de casting. « Nous n’avons pas choisi les enfants les plus beaux, les plus gentils, les plus émouvants », précise-t-elle. « Avec l’accord de leurs parents, nous avons travaillé avec eux en atelier d’écriture, raconte dans une déclaration le Collectif des cinéastes. Les enfants ont raconté leurs situations, confronté leurs expériences. De ces échanges est né un texte, et de ce texte est né un film. LEUR film. Une forme simple qui porte leur parole et leur histoire. Une histoire de peur et de souffrance. Les enfants ont participé à ce travail avec leur passion et leurs espoirs. »
Contre la politique de Nicolas Sarkozy
La diffusion de ce spot, entièrement financé et produit grâce à des dons et des équipes bénévoles, tombe un mois et demi avant le premier tour de l’élection présidentielle française. Une élection pour laquelle les sondages donnent en bonne place le candidat de l’Union pour un mouvement populaire (UMP, droite), Nicolas Sarkozy, décrié pour sa politique d’immigration et les expulsions massives. RESF accuse en effet le ministre de l’Intérieur présidentiable, dans son appel à manifester, de partir « à la chasse aux voix de l’électorat raciste du Front national » et d’avoir « expulsé 66 personnes par jour pour l’année 2006 ».
Cependant, assure Simone Bitton, marraine de quelques familles de sans-papiers, la sortie du spot n’a rien à voir avec le scrutin électoral. « Nous n’avons pas besoin de la campagne présidentielle pour avoir quelque chose à dire, souligne-t-elle. Ce geste de cinéma aurait été fait de toute façon. Il s’est passé de graves choses cet été et en ce moment il se passe encore des choses graves. On a vu des rafles à la sortie du métro. Alors si la diffusion pendant la campagne électorale peut faire passer aux oubliettes de l’histoire l’homme que l’on risque d’avoir comme président et qui a fait de la haine des étrangers son cheval de bataille, alors je suis d’accord. »
L’objectif de la campagne « Laissez-les grandir » est d’éveiller les consciences des téléspectateurs, de donner un visage humain aux sans-papiers. Un acte de solidarité qui viendra grossir le mouvement des personnels éducatif, aéroportuaire et sanitaire, ainsi que des parents d’élèves, étudiants et autres citoyens touchés par la cause des enfants concernés et de leurs parents.
Voir le spot et signer la pétition