La voix d’Oum Kalsoum vit encore. Elle reste une référence en Egypte et dans le monde arabe. Vingt-sept ans après sa mort, le mythe de « l’Astre d’Orient » ne s’est pas éteint. Retour sur un destin extraordinaire, à l’occasion de la sortie d’un coffret hommage.
Alors que l’orchestre a déjà entamé le morceau depuis de longues minutes, une voix s’élève. La voix. Celle d’Oum Kalsoum. Voix d’alto qui badine avec le soprano ou le ténor, parfois voilée, légèrement enrouée, bondissante ou caressante. Voix aux oscillations précises et dynamiques chargées d’émotion qui se pose sur les notes languides des violons et des violoncelles. De ses débuts en 1921 à sa mort en pleine gloire en 1975, la diva égyptienne a tenu en haleine des foules entières, fait pleurer des salles combles, ému un public toujours renouvelé. Grâce à cette voix unique.
À voix extraordinaire, destin extraordinaire. Oum Kalsoum est née en 1908 dans une famille d’humbles paysans, dans le petit village de Tamayet-el-Zahayra (province de Dakahlieh). Son père est l’imam de la mosquée locale et, sous sa direction, elle apprend la récitation et la lecture des textes coraniques. C’est en psalmodiant le texte sacré qu’elle découvre sa sensibilité au chant et à la musique. Une voix est née. La jeune femme, habillée en garçon pour éviter toutes tracasseries des autorités, se fait rapidement une renommée locale, écumant les fêtes familiales de la région. Elle monte au Caire en 1923 et débute la carrière qui fera d’elle « l’Astre d’Orient ».
Symbole de l’unité nationale
En dix ans, elle devient une référence en matière de musique arabe et son ascension se confond avec l’apparition de la radio égyptienne, en 1934, puis celle de la télévision en 1960. L’âge d’or de la chanteuse, dans les années 40 et 50, est complété par des apparitions cinématographiques. Malgré des problèmes de santé chroniques, la diva connaît une carrière professionnelle étonamment longue. De 1922 à 1967, elle envoûte l’Egypte et le Moyen-Orient, son succès transformant chacune de ses apparitions en événement panarabe. Ses fans assistent à des concerts qui, pour la plupart, se résument à une seule chanson qui dure jusqu’aux premières lueurs de l’aube…
De sa voix puissante et claire, Oum Kalsoum chante la religion, l’amour et la nation égyptienne. Amie du président Jamal Abdel Nasser, elle constitue avec l’homme politique l’un des symboles les plus forts de l’unité nationale égyptienne. Elle va jusqu’à donner, après la guerre de 1967 avec Israël, une série de concerts nationaux et internationaux dont elle reverse les bénéfices au gouvernement égyptien.
La Cantatrice du peuple
La diva reste également dans les coeurs comme la « Cantatrice du peuple », s’investissant dans des oeuvres de charité et distribuant son argent aux pauvres. L’une de ses biographies note qu’elle aurait aidé plus de 200 familles de paysans au cours de sa vie. Revendiquant d’ailleurs ses origines paysannes, la chanteuse a toujours vécu sans ostentation, souhaitant rester au plus proche de la vie de ses compatriotes.
À sa mort, en février 1975, elle ne laisse pas d’enfants mais 286 chansons. Des millions d’orphelins défileront pourtant dans les rues du Caire pour lui rendre un dernier hommage.
Aujourd’hui, plus de 300 000 cassettes de la chanteuse se vendent annuellement dans son pays natal. La voix du « Rossignol d’Egypte » hante encore les cafés populaires du Caire, s’échappe des taxis, semble courir dans la brise alexandrine. Car comme le disent si bien les Egyptiens, il y a deux choses qui ne changeront jamais en Egypte : les pyramides et la voix d’Oum Kalsoum.
Pour découvrir l’oeuvre d’Oum Kalsoum, Nextmusic vient de sortir un coffret de cinq CD, qui contient notamment « Yalli kan yechgeek aneeni » dont les paroles ont été écrites par le poète Ahmed Rami (Oum Kalsoum a chanté 132 de ses textes). 51’20 de bonheur.