Accueilli en grande pompe à Rabat par le roi Mohammed VI pour une visite d’État accompagnée de la signature de nombreux contrats commerciaux, Emmanuel Macron a pourtant déclenché une vive polémique en France. La composition de sa délégation, avec des personnalités controversées, et le choix de renforcer les liens économiques avec le Maroc au détriment des droits du peuple sahraoui, ont ravivé les critiques de la Droite comme de la Gauche.
La visite d’État d’Emmanuel Macron au Maroc, entamée lundi 28 octobre, devait marquer la fin de plusieurs années de tensions entre Rabat et Paris. Accueilli avec faste par le roi Mohammed VI et les représentants de la famille royale, le président français souhaitait symboliser une réconciliation historique avec le royaume chérifien. Cependant, en France, cette visite a déclenché des critiques acerbes, la classe politique s’interrogeant sur les motivations réelles du président et la présence de certaines personnalités dans la délégation.
Une délégation controversée : Belattar et autres polémiques
La composition de la délégation officielle a très vite suscité l’indignation. Parmi les accompagnateurs, l’humoriste Yassine Belattar, dont la participation n’a été officialisée qu’après coup, a particulièrement cristallisé les critiques. Déjà condamné pour des menaces de mort et controversé pour ses prises de position, Belattar a été qualifié de « choix indigne » par Jordan Bardella, président du RN, tandis que Jean-Lin Lacapelle, ancien député européen, a dénoncé la présence d’un « repris de justice » au sein de la délégation présidentielle.
Cette critique s’est propagée au-delà des rangs de l’extrême droite, gagnant aussi des figures de la droite et du centre, qui se disent consternées par l’image renvoyée par la France. Franz-Olivier Giesbert, éditorialiste réputé, a pour sa part fustigé une opération de « pure communication », qualifiant l’invitation de Belattar de coup de com’ plutôt que de diplomatie, pour un Président « qui semble naviguer à vue ».
Une réconciliation au mépris du Sahara occidental ?
Outre les critiques sur les personnalités présentes, le volet économique de la visite a également soulevé de vives inquiétudes. La visite intervient dans un contexte où les entreprises françaises, représentées par une quarantaine de grands patrons, espèrent décrocher des contrats avantageux au Maroc. Pourtant, la perspective de renforcement des relations commerciales avec Rabat se fait au détriment du droit international récemment rappelé par la Cour de Justice de l’Union Européenne.
Les défenseurs de la cause sahraouie pointent, en effet, l’absence totale de prise en compte de la situation au Sahara occidental. En choisissant de relancer les investissements français au Maroc, Emmanuel Macron est accusé de faire allégeance aux intérêts économiques, au mépris des droits du peuple sahraoui. « Le mépris des principes au profit de la realpolitik », titre ainsi un journal qui dénonce une « réconciliation économique au prix du silence sur la question sahraouie » alors que l’Humanité parle d’une « allégeance coupable ».
Entre objectifs économiques et agenda diplomatique : la France divisée
Pour Emmanuel Macron, cette visite est censée relancer les relations bilatérales dans un contexte où les tensions, exacerbées par l’affaire Pegasus et la réduction des visas pour les Marocains, avaient fragilisé les relations. Au-delà des aspects économiques, l’Élysée vise aussi à raffermir les liens en matière de sécurité, d’éducation et d’environnement, faisant miroiter une « nouvelle ambition pour les trente ans à venir ».
Cependant, pour de nombreux critiques, ce « rabibochage » s’apparente davantage à un calcul politique qu’à un engagement sincère. La présence de figures économiques puissantes comme Patrick Martin, président du Medef, ou les patrons de Thalès, Veolia et TotalEnergies, laisse entendre que cette visite est avant tout dictée par des impératifs de profit pour des groupes français.
Pour de nombreuses figures politiques françaises, de gauche mais aussi du centre et de droite, ce voyage est une parfaite illustration du cynisme de la diplomatie française. Emmanuel Macron renonce aux valeurs de la République en préférant l’alignement économique à la défense du droit internationale.
Ainsi, ce voyage censé sceller la réconciliation entre Paris et Rabat s’avère être un double tranchant en soulevant une vague d’indignation qui ternit les objectifs diplomatiques affichés.