La « vision claire » d’Andry Rajoelina pour électrifier massivement Madagascar


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Andry Rajoelina
Andry Rajoelina

Alors que le président malgache Andry Rajoelina a fait de l’électrification de la Grande Île l’une de ses priorités, de vastes réformes ont été engagées afin d’attirer sur ce marché porteur les investisseurs et bailleurs internationaux. Les besoins sont immenses, de même que les opportunités.

Le soleil se couche à Mangily, et c’est comme une nouvelle journée qui commence. Situé dans le sud-ouest de Madagascar, ce petit village revit depuis qu’en 2021 ses habitants ont, enfin, été raccordés à l’électricité – d’origine solaire, comme c’est de plus en plus couramment le cas dans les zones rurales et reculées de la Grande Île. Désormais éclairés de mille feux, karaokés, bars, salles de concert et autres établissements de nuit transforment la vie nocturne de cette destination aujourd’hui prisée des touristes. « Sans électricité, c’était une ville morte et ennuyeuse », se souvient, au micro de RFI, un habitant de Mangily, mais aujourd’hui « les rues sont éclairées, il y a des boissons toujours fraîches, et les jeunes du coin ont des lieux pour venir danser tous les jours ».

18 millions de Malgaches sans électricité

L’heureuse destinée de Mangily n’est pas un cas isolé sur l’île. Depuis son élection en 2018, le président Andry Rajoelina a fait de l’électrification de Madagascar l’une de ses priorités. Un long et difficile chemin en perspective, car le pays demeure l’un des moins électrifiés au monde, avec moins de quatre habitants sur dix (36%) qui ont accès à l’électricité, contre plus de la moitié (51%) en Afrique subsaharienne. Aujourd’hui en effet, plus de 18 millions de Malgaches ne bénéficient toujours pas d’un accès à l’électricité – surtout dans les campagnes, où elle parvient à peine plus d’un habitant sur dix (11%) ; quant à ceux qui ont la chance d’avoir le courant, ils pâtissent, ménages comme entreprises, de fréquents et intempestifs délestages.

Les raisons de cette crise énergétique sont « multiples », explique au Figaro Komena Koffi, expert énergie à la Banque mondiale. Ainsi la Jirama, la compagnie publique d’électricité, est lourdement endettée et structurellement inefficace : plus d’un tiers (37%) de l’énergie produite n’est pas facturée, car volée ou perdue en raison de la vétusté des réseaux de distribution, et environ 20% des factures ne sont jamais recouvrées. Ultra-subventionnée, à hauteur de 200 millions de dollars par an, l’électricité vendue par la Jirama l’est à perte, 50% en dessous de son coût de production. Enfin, la production d’électricité repose encore largement (à 35%) sur des centrales thermiques fonctionnant au fioul lourd et au gazole, dont les tarifs font grimper la facture énergétique malgache.

Un double objectif : massifier et verdir l’électricité malgache

Les défis que doit relever Andry Rajoelina sont donc immenses. Mais les atouts de Madagascar également, l’île pouvant compter sur de nombreux cours d’eau, sur la force des vents marins et sur quelque 3 000 heures d’ensoleillement annuelles pour développer les énergies renouvelables (EnR). Afin de se défaire de la dépendance aux énergies fossiles, chères et polluantes, les autorités malgaches ambitionnent en effet de porter, d’ici à 2030, la part des EnR à 85% du mix énergétique du pays. « Notre vision est claire et nous sommes déterminés à atteindre des objectifs ambitieux en investissant massivement dans les EnR et la transition énergétique », a ainsi déclaré Andry Rajoelina lors de son discours au World Government Summit, qui se tenait à Dubaï en février dernier.

Et le président malgache d’enfoncer le clou : « Nous avons déjà commencé à installer 50 mégawatts (MW) de parcs solaires, et nous ne comptons pas en rester là car cette année, nous lançons le défi d’installer 250 MW supplémentaires », a-t-il lancé à la tribune dubaïote. Pour atteindre ses objectifs, le gouvernement fait feu de tout bois, mobilisant secteur privé, société civile et bailleurs internationaux pour déployer, en partenariat avec les agriculteurs, des fermes de panneaux solaires ou encore pour distribuer des kits solaires auprès des habitants des régions les plus isolées. Avec ses mini-centrales et réseaux câblés, la société WeLight a ainsi électrifié pas moins de 172 villages malgaches au cours des derniers mois : où, comme à Mangily, « l’éclairage public a amélioré la sécurité, généré plus d’activité économique et nouveaux emplois », se félicite le maire d’un village concerné.

Des réformes pour attirer les investisseurs et bailleurs internationaux

Volontaristes, les autorités d’Antananarivo savent cependant que l’État, seul, ne pourra parvenir à ses fins sans l’appui du secteur privé. Car les investissements nécessaires pour électrifier Madagascar sont à la mesure du fossé à combler : colossaux. 7,2 milliards de dollars seront en effet nécessaires, dont 60% devront provenir du privé. Raison pour laquelle Andry Rajoelina s’est attaché, depuis son élection, à simplifier le parcours administratif des entreprises – étrangères, notamment – et à rendre le cadre réglementaire et le climat des affaires plus attractifs pour les investisseurs. Ceux-ci sont incités à investir dans l’hydroélectrique, avec le développement en cours de plusieurs centrales majeures ; dans le solaire, avec l’électrification des zones rurales ; ou encore dans la modernisation des réseaux existants.

Et cela marche. Si WeLight a jeté son dévolu sur la Grande Île, c’est que « les besoins sont énormes », explique au Figaro Romain de Villeneuve, le directeur général de l’entreprise panafricaine. Mais aussi parce qu’il « existait une réglementation permettant l’investissement privé et pas de concurrence » locale, justifie le dirigeant, dont les effectifs ont été multipliés par cinquante en cinq années seulement. Ne manquent plus à l’appel que les bailleurs internationaux : « si on obtient des subventions de la Banque mondiale », se prend à rêver Romain de Villeneuve, « on pourra accélérer fortement et démultiplier l’accès à l’électricité ». L’électrification de Madagascar ne représente donc pas qu’une nécessité pour ses habitants, mais un vrai terrain d’opportunités pour les groupes et investisseurs étrangers.

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