De demeure coloniale à musée d’art : la métamorphose d’un joyau architectural casablancais qui rouvre ses portes après une minutieuse restauration. La Villa Carl Ficke, témoin centenaire des mutations de la ville blanche, s’apprête à écrire un nouveau chapitre de son histoire mouvementée.
Érigée dans les années 1910, la Villa Carl Ficke incarne un chef d’œuvre de l’architecture à Casablanca. Son style caractéristique mêle influences Art déco et traditions locales, avec ses colonnes majestueuses, ses bow-windows et ses moucharabiehs finement ciselés. Cette synthèse architecturale, que l’on retrouve également dans d’autres édifices emblématiques comme la Villa des Arts ou l’ancienne Banque d’État du Maroc, témoigne du bouillonnement créatif qui animait la ville au début du XXe siècle.
Des bâtisseurs allemands aux artistes marocains
Le 27 février 2025, cette perle architecturale entamera une nouvelle vie sous l’égide de la Fondation nationale des musées. Sa restauration, fruit d’une collaboration entre acteurs publics et culturels, a permis de préserver l’essence de ce bâtiment tout en l’adaptant aux exigences muséales modernes. Les sculptures contemporaines d’Ikram Kabbaj, première artiste à investir les lieux, créeront un dialogue fascinant entre passé et présent, entre les arabesques centenaires et les formes actuelles.
L’histoire de la Villa Carl Ficke se lit comme un roman d’espionnage. Son commanditaire, Carl Ficke, était un homme d’affaires allemand. Fondateur de la Chambre de commerce allemande de Casablanca, il fut accusé d’espionnage par les autorités françaises en 1915 et exécuté, laissant derrière lui cette somptueuse demeure qui allait connaître mille vies.
Une demeure au destin romanesque
Transformée en camp de détention pendant la Première Guerre mondiale, la villa devient ensuite un havre pour enfants malades, avant d’accueillir les élèves du collège Khenata Bent Bekkar. Chaque pierre de l’édifice raconte un pan de l’histoire casablancaise, des tensions coloniales aux mutations sociales du Maroc indépendant.
Le bâtiment s’inscrit dans la lignée des grandes villas Art déco de Casablanca, aux côtés de la Villa Roosevelt et de la Villa El Mokri, formant un triangle d’or architectural dans le centre historique. Sa restauration s’inspire des techniques utilisées pour la réhabilitation du Petit Palais de Paris.
Située sur le boulevard de la Résistance, artère névralgique de la ville, la Villa Carl Ficke restaurée devient un nouveau point d’ancrage culturel pour Casablanca. Son parc réaménagé et ses espaces d’exposition promettent d’offrir aux visiteurs une expérience immersive dans l’histoire de la ville, tout en servant d’écrin aux créations artistiques contemporaines.
La Villa Carl Ficke, jadis symbole du pouvoir colonial, devient aujourd’hui celui de la renaissance culturelle marocaine.
