Avec son deuxième livre, « La maison de la mort certaine », l’écrivain égyptien Albert Cossery confirme un talent fou et une plume extraordinaire. Deuxième article de notre série dédiée au chroniqueur de la vie cairote, réédité en France par les Editions Joëlle Losfeld.
C’est avec un réalisme sans fard et sans artifice qu’Albert Cossery nous entraîne au coeur de la misère égyptienne. Publié en 1945, La maison de la mort certaine, est prétexte à une galerie de portraits hauts en couleurs.
Les habitants d’une bâtisse branlante attendent avec angoisse le moment où celle-ci rendra son dernier soupir et s’écroulera sur leur tête. Le suspens et le désespoir que peut susciter une telle attente, laissent peu à peu la place à une révolte sourde et légitime. Une révolte contre l’odieux propriétaire Si Khalil qui refuse de mettre une piastre dans des travaux de rénovation.
Une lutte des classes se dessine dans cet univers miséreux où l’on découvre que l’union fait la force et que la solidarité entre pauvres peut faire plier les puissants. Tandis qu’ils observent avec appréhension une énorme fissure qui, de jour en jour, prend des » proportions indécentes » et menace l’équilibre fragile de la maison, les habitants tentent de ne pas penser à leur vie sans but à part celui de survivre.
La mort suspendue
Bayoumi le montreur de singes, Souka le jeune chanteur de cabaret, Chéhata le menuisier sans travail, Soliman El Abit le vendeur de melons, Rachwan Kassem le réparateur de réchauds à pétrole, Abdel Al le charretier, Abd Rabbo le boueux, le vieux Kawa, les femmes et la progéniture : tous sont démunis face à leur condition extrême qui ne leur permet pas de déménager, face au froid hivernal qui dévore leurs membres à demi nus, face à la faim qui les rend fous.
Habitants d’une » avalanche en suspens « , il ne leur reste plus qu’à attendre le dénouement final, à l’image de Chéhata le menuisier : » Depuis que je sais qu’elle va s’écrouler, je n’ai plus peur. Avant, il y avait un tas de malheurs qui me poursuivaient. Mais maintenant, il n’y en a plus qu’un seul. C’est moins pénible à supporter. Un seul malheur, un formidable, et puis ce sera la mort. »
Commander le livre : Editions Joëlle Losfeld