Les livres Adoras se vendent par milliers sur le continent africain. La recette du succès ? Romance, passion, évasion et faits de société. L’eau de rose à l’africaine a de beaux jours devant elle.
Le succès de la collection Adoras, éditée par les Nouvelles éditions ivoiriennes (NEI), ne se dément pas. Depuis quatre ans, les romans, qui mélangent histoires d’amour et sujets de société, sont lus par des milliers d’Africaines mais aussi d’Africains. L’analyse d’un raz-de-marée littéraire avec Méliane Boguifo, directrice de la collection.
Afrik : Comment est née la collection Adoras ?
Méliane Boguifo : Elle a été lancée le 8 mai 1998 sur l’idée du directeur général des NEI et du responsable du service littérature. Ils voulaient créer une collection de romans d’amour africains.
Afrik : Une sorte d’Harlequin à l’africaine ?
Méliane Boguifo : Adoras n’est ni un remake africain ni une pâle copie d’Harlequin. Même si on peut nous coller l’étiquette de » romans à l’eau de rose « , nous joignons l’utile à l’agréable. Nos romans sont originaux et pudiques. Ils traitent de thèmes sérieux sur fond de romance. Nous nous servons des livres pour des campagnes de sensibilisation sur des sujets de société. De plus, les livres Harlequin parlent de l’amour en Occident, citant des lieux et des contextes que l’on ne connaît pas en Afrique : des chalets dans la neige ou ce genre de choses ! Nous aussi nous avons des sites et une culture à valoriser.
Afrik : Quels thèmes abordez-vous dans les livres de la collection ?
Méliane Boguifo : Des sujets de société comme le problème de l’exode rural, la tricherie à l’école dans Premiers frissons, le sida – dans Aimer malgré tout le héros est séropositif – l’artisanat, le monde des artistes, la prostitution en milieu scolaire, le mariage forcé dans Cache-cache d’amour. Dans les prochaines sorties : le décapage de la peau et l’excision.
Nous glissons également des références touristiques et gastronomiques sur certains pays : un Européen qui lit Adoras peut apprendre à connaître l’Afrique par ce biais.
Afrik : A quels auteurs faites-vous appel ?
Méliane Boguifo : Pour les premiers livres, de grands auteurs ont écrit sous pseudo. Ils ont vraiment eu du plaisir à le faire. Aujourd’hui, ce sont surtout des jeunes (beaucoup de femmes) qui souhaitent s’essayer à la littérature qui nous envoient leurs manuscrits. Il y a de tout : des étudiants, des cadres, des juges, des médecins. Tout le monde peut écrire pour Adoras à condition de respecter les normes : 75 pages dactylographiées avec du rêve, de la romance et de la passion mais aussi un sujet sérieux à exploiter et bien sûr, l’action doit se passer, du moins en partie, sur le sol africain.
Afrik : Quel est le but d’une telle collection ?
Méliane Boguifo : Cultiver le goût de la lecture tout en ménageant des moments d’évasion aux lecteurs. Nous faisons leur éducation sentimentale – en exaltant la loyauté et la fidélité par exemple – nous voulons les élever culturellement car nous pensons que s’ils prennent plaisir à lire Adoras, ils se tourneront ensuite vers d’autres livres comme les classiques. Nous cherchons à faire voyager les lecteurs sur tout le continent africain, à leur faire partager des valeurs traditionnelles africaines, à leur montrer la richesse de l’Afrique. Et ça marche : les parents sont heureux de voir que leurs enfants (les adolescents, ndlr) s’intéressent à la lecture grâce à nos livres.
Afrik : Qui se vendent d’ailleurs comme des petits pains sur tout le continent…
Méliane Boguifo : Nos livres coûtent moins cher qu’un tube de rouge à lèvres, ils sont à 1500 Fcfa, ce qui est très raisonnable. Ce sont des romans qui plaisent au public, qui parlent de la vie de tous les jours. Nous avons aujourd’hui une quarantaine de titres. Chacun a été tiré à 10 000 exemplaires qui sont pratiquement tous partis. Huit livres sont d’ailleurs épuisés. Nous vendons au Cameroun, au Sénégal, au Togo, au Tchad et en Guinée mais aussi au Kenya et aux Etats-Unis. Nous n’avons pas encore de traduction anglaise mais j’espère que ça viendra car il n’y a pas de concurrent anglophone pour le moment. Comme beaucoup de gens sont intéressés par la collection dans des pays où elle n’est pas forcément distribuée, nous faisons aussi de la vente par correspondance.
Afrik : Qui lit vos livres ?
Méliane Boguifo : Tout le monde ! Bien sûr nous avons en majorité des lectrices. Mais celles-ci passent les livres à leurs maris. C’est un facteur de rapprochement entre les deux sexes. On peut lire Adoras à partir de 15 ans et jusqu’à temps que les yeux ne voient plus !
Afrik : L’avenir d’Adoras est donc tout rose…
Méliane Boguifo : C’est vrai que pour l’instant, nous n’avons pas eu de retours négatifs. En plus, pour la deuxième fois, un de nos livres va être adapté au cinéma. Il est aussi question de se faire distribuer en France. J’espère que l’on pourra suivre du côté de l’impression. Pour nous, publier 10 000 exemplaires, c’est déjà énorme mais en Europe, il faut tirer entre 30 et 40 000…
Visiter le site des NEI .
Pour commander des livres de la collection Adoras : Nouvelles éditions ivoiriennes, 06 BP 2698 Abidjan 06, Côte d’Ivoire.