Les manifestations se poursuivent en Tunisie pour exiger la démission des ministres et édiles ayant été en fonction sous le règne du président Ben Ali. Au moins cinq personnes sont mortes depuis vendredi. L’Assemblée nationale et le Sénat ont renforcé les pouvoirs du président par intérim, Foued Mebazaa, en l’autorisant à gouverner par décrets. Et l’armée a fait appel aux réservistes.
Les troubles se poursuivent en Tunisie, trois semaines après le départ de l’ancien président Ben Ali. Pendant que le gouvernement de transition, dont certains membres sont rejetés par les manifestants pour avoir servi sous l’ancien régime, se dote de pouvoirs exceptionnels dans l’espoir de ramener le calme. Mardi à Tunis, des coups de feu ont été entendu, pour la première fois depuis deux semaines. Les manifestations qui se poursuivent dans la capitale tunisienne visent la démission de ceux des membres du gouvernement qui appartiennent à l’ancienne formation politique de Ben Ali, le Rassemblement constitutionnel démocratique (RCD). Dans les provinces, les populations en colère souhaitent le départ des gouverneurs ayant travaillé pour l’ancien président. Depuis vendredi, des violences ont été signalées un peu partout dans le pays. Elles auraient fait au moins cinq morts.
Le parlement se saborde
Pour faire face à cette situation, le gouvernement de transition a entrepris de renforcer son autorité. Le Sénat a adopté ce mercredi à l’unanimité une loi, déjà votée à l’Assemblée nationale lundi, autorisant le président intérimaire Foued Mebazaa à gouverner par décrets-lois, contournant ainsi le Parlement bicaméral hérité de l’ère Ben Ali. Pour le Premier ministre Mohammed Ghannouchi, qui a présenté mercredi le texte aux sénateurs, son adoption, qui aura pour conséquence de saborder le parlement, constitue le passage obligé pour permettre au président intérimaire, Foued Mebazaa, de travailler. C’est à dire répondre aux sollicitations les plus urgentes.
Il doit notamment gérer la question de l’amnistie générale, signer les textes internationaux relatifs aux droits de l’homme et procéder à l’organisation des partis politiques. Il doit également entamer la réforme du code électoral, légaliser certains partis politiques interdits sous Ben Ali, dont le mouvement islamiste Ennahda de Rached Ghannouchi et le Congrès pour la République (CPR, gauche) de Moncef Marzouki. Les élections devraient avoir lieu, selon le gouvernement de transition, dans les six mois. Elles devront être « transparentes et équitables avec la participation de tous les partis », selon le mot de M. Ghannouchi.
Le gouvernement n’a pas de baguette magique contre la précarité
Evoquant le sujet de la poursuite de la grogne populaire, le premier ministre par intérim a exhorté les populations à être patientes. « Nous sommes soumis à des pressions sociales à cause des revendications du peuple pour l’amélioration de sa situation. Mais il faut prendre en considération le fait que l’Etat n’est pas encore en capacité pour le moment de répondre à toutes ces demandes. Nous n’avons pas de baguette magique », a-t-il déclaré. Mercredi, un jeune homme a été blessé par une balle qui a ricoché, alors que les militaires encadraient des centaines de personnes qui se rendaient dans un bureau d’aide sociale public pour toucher des sommes comprises entre 15,5 et 78 euros. La veille, quelques 500 demandeurs d’aide et de travail avaient investi le bâtiment du gouvernorat à Tunis.
De son côté, l’armée, particulièrement active ces derniers jours, a fait appel lundi à des réservistes, à la fois pour pallier aux désertions dans la police et s’interposer entre celle-ci et les populations. Les militaires partis en retraite entre 2006 et 2010 et les conscrits de fin 2008 et de 2009 sont ainsi invités à se présenter à partir du 16 février auprès de l’armée.
Selon l’AFP, les violences qui secouent le pays depuis janvier auraient fait 234 morts et 510 blessés. Une commission nationale a été chargée d’enquêter, notamment sur les exactions qu’auraient pu commettre les forces de sécurité lors de la chute de Ben Ali.