Deux ans se sont écoulés depuis le départ de l’ancien dirigeant tunisien Zine el Abidine Ben Ali, pourtant la Tunisie est loin d’être sortie du pétrin. La situation sociale et économique du pays affole. La rue est loin d’avoir enrayer son élan contestataire. Et les émeutes de Siliana rappelle que le pays du Jasmin vit sous le spectre d’une « révolution » bis.
Où en est la Tunisie deux ans après le départ de Ben Ali, le 14 janvier 2011 ? Certains affirment, à l’instar de Mahmoud Ben Romdhane, responsable économique et social du parti Nidaâ Tounès, que « la Tunisie est en train de vivre sa pire crise économique depuis 1986 », l’année durant laquelle le pays connut sa seule année de croissance négative depuis son indépendance. Il va jusqu’à contredire les versions officielles et soutient que depuis le 4e trimestre de 2011, « la croissance est en berne ». L’année 2013 ne risque pas d’arranger grand chose. Les observateurs prédisent une récession des exportations tunisiennes vers l’Europe. A ce rythme effréné, le gouvernement aura du mal à stabiliser le taux de chômage qui touche près de 800 000 personnes.
A l’heure du bilan ne figurent que les absents
Belles promesses et avenir de rêve étaient au programme de la campagne menée par le grand vainqueur des élections législatives, Ennahda. Mais rien n’y fait, la situation économique et sociale actuelle du pays est au plus bas. Les derniers évènements en date, dont l’ébullition de Siliana où la police a tiré à la grenaille faisant 350 blessés, dont 19 éborgnés, témoignent de la gravité du terrain. La Tunisie est-elle au bord d’une révolution 2.0 ?
Aucune des personnalités contactées par Afrik.com, à savoir Abdelkarim Harouni, ministre Ennahda du transport, Mustapha Ben Jaafar (Ettakatol), président de l’Assemblée constituante, Mohamed Abbou, secrétaire général du CpR, Abdelmajid Habibi du parti Hizb Ut-Tahrir, Anaouar Benkadour, secrétaire adjoint chargé des études et de la communication de l’UGTT ou encore Abdessatar Ben Moussa, président de la ligue tunisienne des droits de l’homme n’ont été en mesure de répondre à cette question. Ni même capable de dire un mot sur la politique actuelle en Tunisie, prétextant, à chaque appel, réunions et autres rendez-vous intempestifs.
Mais où est donc passé Marzouki ?
Le très discret président de la République, Moncef Marzouki, a entrepris ces mercredi 8 et jeudi 9 janvier une série d’entretiens avec différents chefs de partis. Une manière, selon Kapitalis, de montrer qu’il « existe encore » depuis qu’il a été marginalisé par Ennahda. Ces rencontres, qui aux yeux de nombreux tunisiens ne s’apparentent qu’à de la pure « gesticulation », visent à « parvenir à un consensus national » et à « contribuer à faciliter l’action du gouvernement et de l’Assemblée nationale constituante. » Elles interviennent en tout cas au moment où au sein de la coalition il est question de remaniement ministériel et d’un dialogue national interrompu depuis le 18 octobre 2011, date à laquelle le CpR, dont est issu Marzouki, et Ennahda ont refusé de participer au Dialogue national alors mené par l’Union générale tunisienne du travail (UGTT). Pour beaucoup, Moncef Marzouki, qui ne cesse de croire en une troïka qui de facto au bord de la scission, doit, afin de garder sa crédibilité, démissionner.
A quand la fin de la transition ?
D’après le député Samir Ettaieb, porte-parole d’Al Massar, « la constitution sera prête au printemps 2013 mais les élections ne pourront pas être organisées avant l’automne 2013 ou bien au premier trimestre de 2014 ». Le député de gauche a affirmé ce mardi, dans l’émission Shems, sur Shems FM, qu’il n’était pas possible d’organiser des élections durant l’été de 2013 puisque « plusieurs questions n’ont pas encore été résolues ». Le grand problème, c’est qu’aucun consensus n’a pour le moment été trouvé au sein de l’Anc sur l’adoption d’un nouveau mode de scrutin.
De son côté, le vice-président du parti Ennahda, Abdelfattah Mourou, dans l’émission 21 heures du soir sur la chaîne Attounissia TV, a fait savoir qu’il n’y aurait aucune élection « avant un an », c’est-à-dire pas avant janvier 2014. En attendant que se termine cette interminable phase de transition, Ennahda est chaque jour un peu plus accusé par ses détracteurs de vouloir mettre la main sur tous les leviers du pouvoir afin d’assurer, lors des prochaines élections, son maintien dans les plus hautes sphères de l’Etat.
A l’heure où les parlementaires tentent encore de s’accorder sur la nouvelle Constitution, la situation économique et sociale du pays poursuit sa descente dans le rouge. A cette cadence, la tempête révolutionnaire de 2010 risque fort de s’abattre à nouveau sur la Tunisie.