C’était il y a 38 ans, le 21 août 1986. Un nuage de gaz mortel se répandait dans le nord-ouest du Cameroun causant ainsi la plus grave catastrophe naturelle qu’ait connue le pays de mémoire d’homme. Le lac NYOS, situé à 1100 mètres d’altitude et formé sur le cratère d’un ancien volcan aujourd’hui éteint, libérait soudainement cette nuit-là entre 100000 à 300000 tonnes de dioxyde de carbone… Causant la mort de 1746 personnes dans leur sommeil et de près de 3000 bêtes d’élevage.
Toutes ces victimes recensées par les autorités camerounaises principalement aux alentours immédiats du lac Nyos, dans la ville de Subum, située à 14km et dans des villages et hameaux plus modestes de la vallée de la Fang. Des cadavres d’animaux jonchaient le sol, même les insectes avaient succombés et certains survivants eurent des séquelles telles que la folie ou une déformation physique pour les plus jeunes ; mais les maisons et la végétation étaient intactes.
L’origine de l’explosion
L’origine de l’explosion de ce lac jusque là inoffensif a longtemps fait débat dans le monde scientifique. Tout de suite on avait pensé à une attaque humaine : d’aucuns pensaient à une arme mystérieuse, ou la bombe à neutrons, conçue pour tuer les êtres vivants sans endommager les bâtiments, ou encore à une nouvelle arme chimique, ou bactériologique, qu’une puissance étrangère serait venue tester dans ces montagnes retirées.
Mais tous s’accordent désormais à dire que c’est tout simplement le dioxyde de carbone qui soudain dégagé en masse, a tué la population sur place. Le gaz carbonique n’est pas un poison, mais il provoque une ventilation mécanique comme l’expliquait il y a 30 ans le chercheur français Le Guern, travaillant au CNRS : « Quand cette bulle est sortie, elle a provoqué une petite explosion, une vague qui a détruit toute la végétation sur le pourtour du cratère. Et cette bulle de gaz, qui est probablement faite de CO2, s’est promenée dans la campagne environnante en asphyxiant la population, qui n’a pas eu le temps de partir. » Deux ans plutôt, dans la nuit du 15 au 16 août 1984, à Njindoun près de Foumbot, dans le département du Noun, une autre irruption de lac, appelée « irruption limnique « dans le jargon scientifique, avait tué 37 personnes dans les alentours du lac Monoun.
L’opération de dégazage
Le risque d’explosion semble aujourd’hui écarté. À l’époque, le gouvernement camerounais avait interdit aux survivants de revenir vivre aux abords du lac, les faisant accueillir dans des camps à une centaine de kilomètres de la région. Puis une opération de dégazage du lac fut menée par une équipe de scientifiques, parmi lesquelles la délégation aux risques majeurs (aujourd’hui direction générale de la prévention des risques) qui en 1987 a eu conscience de la possibilité exceptionnelle d’éradiquer un risque naturel à sa source. Elle prit donc l’initiative de promouvoir et de soutenir le projet de dégazage contrôlé du lac Nyos. Pour éviter un nouveau drame et afin de prévenir d’une nouvelle explosion, une équipe a installée des colonnes dans le lac pour le dégazéifier avec pour vocation de contenir les jets de gaz sortant du lac et pouvant exploser à nouveau avec la pression.
Michel Halbwachs, scientifique français qui a mené ces opérations démarrées en 1987 déclarait au micro de RFI en 2016 que « en 2001, il y avait au milieu du lac Nyos un jet naturel qui montait à 50 mètres de haut. Lors des dernières mesures qu’on a faites en avril 2016, on était passé à deux mètres de haut. On doit être à 90% du gaz qui a disparu. Il n’y a plus aucun risque que ça explose dans l’état actuel. » Néanmoins au regard des différentes catastrophes naturelles passées et récentes la surveillance des lacs à risque a été intensifié dans toute l’Afrique car en matière d’aléa naturel il convient pour prévenir les catastrophes… d’imaginer l’inimaginable.