Gloria Mundi, sorti en catimini en 1976, ressort sur les écrans français. Nico Papatakis y explore le thème de la torture, notamment celle pratiquée pendant la guerre d’Algérie. Violent et dérangeant, son film est aussi puissant qu’un cri de douleur.
30 ans après, Gloria Mundi, le film de Nico Papatakis, ressort en salles. Il est toujours aussi dérangeant et violent. Réalisé en 1975, il est présenté en ouverture du premier Festival du Film de Paris, en 1976, et sort sur les écrans de manière très confidentielle en raison de la nature de son propos : le film affronte de face la question de la torture en Algérie. Le 7 avril 1976, Gloria Mundi sort dans trois salles du quartier Latin. Quelques jours plus tard, le film est retiré de l’affiche suite à un attentat à la bombe qui n’a jamais été revendiqué mais que beaucoup attribuent à d’anciens membres de l’O.A.S.
A l’époque, Le Nouvel Observateur écrit : « Esprits conformistes, âmes sensibles s’abstenir. (…) Gloria Mundi est une charge de plastic dans le building des idées reçues. (…) Un cri de souffrance et de haine à l’égard du monde entier ou presque. Et l’on ne demande pas à un cri d’être beau. Qu’il soit sincère suffit. » Dans ce film, une comédienne, Galaï, se prépare pour jouer le rôle d’une terroriste arabe que des parachutistes torturent. Pour trouver le cri de douleur parfait, elle se torture elle-même… Maltraitée à distance par son amant absent, Hamdias, qui est aussi son metteur en scène, séparée de son fils, elle est humiliée par un producteur de cinéma et par un groupe d’intellectuels de gauche bien-pensants… Fiction et réalité se mêlent pour faire de sa vie un calvaire.
De l’Ethiopie à la France
A travers ce personnage, Nico Papatakis parle de la torture. De toutes les tortures. Qu’elles soient physiques ou psychiques, imposées par l’amour ou l’idéologie révolutionnaire. Pour le réalisateur, « la torture est le fondement des relations humaines ». De 1976 à 2002, Nico Papatakis n’a plus regardé son film. Incité à le revoir, il a décidé de le « raccourcir et de lui donner un peu plus d’intemporalité ». Il a donc ôté une demi-heure, rajouté des trucages et « nettoyé » la bande-son. Il a aussi tourné la scène d’introduction, d’une violence inouïe, qui met en scène, pendant la guerre d’Algérie, un instructeur face à ses hommes. Il leur explique comment et pourquoi torturer. « Vous pouvez commettre toutes les atrocités que votre patriotisme vous inspire », dit-il. Son discours marque au fer rouge. Pari réussi pour Nico Papatakis qui souhaitait faire ressentir « physiquement » la torture au spectateur…
Réalisateur atypique, qui a fait 5 films en 40 ans, Nico Papatakis est le producteur du premier film de John Cassavetes, Shadows, et de l’unique film de Jean Genet, Un chant d’amour. Né en Ethiopie en 1918, il combat très jeune auprès du Négus Hailé Sélassié contre l’armée de Mussolini. Exilé, il se réfugie au Liban, en Grèce, puis à Paris en 1939. De 1947 à 1954, il fonde et dirige le cabaret « La Rose rouge », qui découvre notamment Juliette Gréco et Mouloudji. En 1957, en pleine guerre d’Algérie, il part pour New-York, où il rencontrera Cassavetes. De retour à Paris, il réalise son premier film, Les Abysses, qui fera scandale à Cannes en 1962. Certains le qualifient alors de « pirate et terroriste ». Nico Papatakis filme pour déranger, bousculer et pousser les spectateurs dans leurs derniers retranchements. Aujourd’hui, à plus de 80 ans, il n’a rien perdu de sa fougue. Son film non plus.
Gloria Mundi de Nico Papatakis, sortie française le 2 novembre 2005, film interdit aux moins de 16 ans.