La télé malienne au tribunal


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Drapeau du Mali
Drapeau du Mali

Attaqués par le syndicat de la magistrature, le maire de Bamako et le directeur général de la télévision malienne ont été condamnés mercredi chacun à un mois de prison ferme et à 1 500 000 F CFA de dommages et intérêts pour avoir diffamé la justice.

« La justice c’est le pouvoir de l’argent (…) quand vous amenez votre voleur au tribunal, vous êtes surpris de le voir le lendemain dans la rue ». Le maire de Bamako, Ibrahima N’Diaye, n’a pas la langue dans sa poche. Des propos qui font mal, des propos qui coûtent cher. Formulées il y a deux mois, à l’occasion d’un débat télévisé, ces allégations seront condamnées par le tribunal de Ségou (200 km au nord de Bamako). Diffamatoires envers la Justice. Le directeur général de l’Office de radio télévision du Mali (ORTM), pour avoir refusé de diffuser un droit de réponse du syndicat de la magistrature, écope de la même peine que M N’Diaye : un mois de prison ferme doublé de 1 500 000 F CFA (15 000 FF) de dommages et intérêts.

26 mars 2001. Il y a dix ans jour pour jour, le Mali accédait à la Démocratie. Un débat politique est organisé pour l’occasion à l’ORTM. Le maire de Bamako est dans l’assistance. Il n’est pas l’un des invités principaux. Mais son intervention ne passera pas inaperçue. Loin de là : « Ses propos ont gravement porté atteinte à l’honneur de toute la corporation », explique Haméye Founè Mahalmadane, Secrétaire général du syndicat autonome de la magistrature (SAM).

Le juge, le maire et le journaliste

« Le lendemain de l’émission, nous avons envoyé un communiqué de presse à l’ORTM, mais ils ont refusé de le diffuser », rapporte M Mahalmadane. Tout du moins, ils n’en diffuseront qu’une partie. Le dernier paragraphe en l’occurrence, celui où le syndicat se réservait le droit d’attaquer quiconque porterait atteinte à l’intégrité de la profession. « Un acte de mauvaise foi, la vision du communiqué de presse originel est tronquée » estime le SAM. Il porte donc plainte.

« Nous n’avons pas diffusé le communiqué de presse intégralement car un communiqué de presse n’est pas un droit de réponse », rétorque Cheickha Diarra, chargé des relations extérieurs de l’ORTM. Mais en tant qu’organe médiatique audiovisuel, la chaîne est la première responsable des propos tenus sur son antenne, selon le code malien. Au terme du procès, Sidiki Konaté, le directeur général est condamné pour diffamation, Ibrahima N’Diaye pour complicité. Tous deux écopent d’une peine de prison ferme et de 10 000 FF de dommages et intérêts.

« C’est un frein à la démocratie, nous n’avons fait que notre devoir », clame-t-on à l’ORTF, qui a évidemment fait appel. Pour les magistrats, il s’agissait avant tout de stopper l’escalade verbale dont la corporation est victime via les médias. « Nous sommes en période électorale et certains bâtissent leur campagne sur le dos de la justice », proteste M Mahalmadane. Toujours est-il qu’un mouvement de solidarité du public et des journaux soutient actuellement la chaîne dans son combat. Le verdit favorable enregistré par la magistrature s’oriente ainsi vers à une victoire à la Pyrrhus. Une victoire juridique pour les juristes… Légitime défense ? Mais est-ce bien équitable, d’être juge et partie…

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