La chute récente de Bachar el-Assad, m’a soudainement révélé des similitudes entre l’histoire politique de son pays, la Syrie, et un autre, bien plus proche, le Togo, en Afrique occidentale.
1 – Deux nordistes, officiers de l’armée, et deux pronunciamientos.
En 1970, Hafez el-Assad, un militaire lance un coup d’Etat qui entraîne la chute de Salah Jedid, chef du gouvernement depuis 1966. En 1971, à l’âge de 41 ans, Hafez el-Assad devient chef de l’Etat.
Le Parti Baas, formation politique dont il est à la tête, est la seule autorisée à exercer dans le pays. Le système répressif qu’il met en place, brise toute voix discordante. La Société des Frères musulmans (ou pour faire court, les Frères musulmans), une formation politique sunnite, et qui tente de le défier en s’en prenant à son parti ou parfois, aux gens de son ethnie, les Alaouites, une branche du chiisme, en paie le prix fort avec un bilan lourd par exemple, lors du massacre de Hama. A partir du 2 février 1982, jusqu’à la fin du même mois, le régime de Hafez tient à mater de tels rebelles sunnites. Ceux-ci, plus tôt, ont cherché à libérer une telle population sunnite, du joug du tyran Hafez. Sous le commandement de Rifaat el-Assad, le frère du président, l’armée régulière pendant une vingtaine de jours, procède à des frappes aériennes et lance des tirs de mortier sur ces rebelles sunnites qui poussent à une telle insurrection des habitants de cette cinquième ville de Syrie, sur le plan démographique. Plusieurs milliers d’habitants de Hama, vont ainsi perdre la vie.
Près de trois décennies de règne sans partage plus tard, Hafez el-Assad décède d’une crise cardiaque, le 10 juin 2000.
Comme Hafez el-Assad, un militaire qui vient au monde en 1930 à Qardaha, dans le nord ouest de la Syrie, Étienne Eyadéma Gnassingbé, est aussi un gradé qui voit le jour en 1935 à Pya, dans le septentrion du Togo d’où il est originaire. Et le 13 janvier 1967, à 31 ans, il renverse le deuxième président (de ce pays qui a accédé à l’indépendance en 1960), Nicolas Grunitzky, né d’un père allemand aux origines polonaises et d’une mère togolaise.
Durant son règne, Eyadema dissout les autres partis politiques et seul le sien, le RPT (Rassemblement du Peuple togolais), qu’il crée en 1969, a droit de cité. La répression qui s’abat systématiquement sur tout opposant à son régime, fait de nombreux morts. Et beaucoup d’opposants, craignant pour leur vie, sont contraints de trouver refuge hors du territoire national.
Dans son rapport du 5 mai 1999, et intitulé « Le règne de la terreur », Amnesty international accuse le régime d’avoir exécuté une centaine de civils et opposants, à la suite des élections présidentielles truquées du 21 juin 1998 (où l’Union des Forces de Changement, UFC de Gilchrist Olympio revendiquait la victoire), et qui ont permis le maintien au pouvoir de Eyadema.
Après 38 ans d’un règne sans partage, Eyadema décède le 5 février 2005, des suites d’une maladie, à bord du vol qui le transportait pour des soins à l’étranger.
2- Deux premiers garçons au destin tragique.
Du temps du règne de Hafez, le choix de son successeur s’est longtemps porté sur son premier garçon, Bassel. Mais il perdra la vie dans un accident de circulation en 1994.
Si en Syrie, Bassel, le premier garçon de Hafez a longtemps été pressenti pour succéder à son père, il en fut de même au Togo. Et ce fils préféré a pour nom Ernest Essonam. Si la mort accidentelle de Bassel, l’a écarté d’une telle succession, c’est une maladie qui va évincer Ernest Essonam au Togo, du palais présidentiel.
Ernest Essonam, l’aîné des enfants du satrape, est un colonel qui est à la tête d’un corps de commandos parachutistes (d’un camp militaire au nord du pays), puissamment armé et qui terrorise la population. Ce dauphin désigné n’en fait qu’à sa tête. Garçon caractériel et sanguinaire que personne dit-on, n’arrivait à recadrer, pas même son père, va commettre la brutalité de trop: il aurait dans un accès de colère, gifflé un vieilllard qui jura de lui faire payer un tel outrage. En lui jetant un mauvais sort. Un sortilège qui lui aurait fait perdre la tête. Mais d’autres sources parlent d’un empoisonnement qui l’aurait lobotomisé. Les auteurs de cette substance qui lui aurait altéré le cerveau, seraient l’entourage du dictateur en fin de vie et, les services secrets français qui craignaient un avenir sinistre pour le pays, si ce commandant de régiment incontrôlable, devait se retrouver à Lomé ll (palais présidentiel). Ernest dont l’intelligence est désormais complètement abîmée, et la succession revient à Faure, né en 1966. (Ernest va se défenestrer et perdre la vie en 2009).
3- Une succession, prolongement du règne paternel.
A la mort de Hafez el-Assad en 2000, c’est donc Bachar, 35 ans, ophtalmologue de formation, qui revêt les habits de roi.
Sur le « trône », l’homme à la silhouette d’une asperge et qui a vu le jour en 1965, poursuit la même politique répressive paternelle, ainsi que le culte de sa personne avec son portrait sur les murs et des érections de statues à son image, comme son père l’avait fait durant ses années au pouvoir.
Vers la fin de l’année 2010, la vague de contestation du pouvoir qui se saisit des peuples arabo-musulmans et qui démarre en Tunisie, gagne l’année suivante, Damas. Bachar écrase une telle sédition populaire et n’hésite pas à faire usage d’armes chimiques, pour arriver à ses fins. Les organismes internationaux évoque la mort de 100.000 personnes: des opposants et civils. Cela lui vaudra le triste surnom de « Boucher de Damas ». Et grâce au soutien de l’Iran, de la Russie et du Hezbollah libanais, il se maintient au pouvoir jusqu’à à sa fuite, le 7 décembre 2024 vers la Russie, suite à la prise imminente de Damas par le groupe rebelle Hayat Tahrir al-Charm, dirigé par Abou Mohammed Al-Joulani, et à l’état civil, Ahmed Hussein al-Charaa.
Après 54 ans d’un pouvoir sans partage par Hafez et son fils Bachar, une nouvelle ère s’ouvre en Syrie.
Le 5 février 2005, à la mort du « timonier national », comme Gnassingbé se désignait lui-même, l’armée togolaise fait allégeance à Faure (alors âgé de 39 ans), à qui elle remet le pouvoir, alors que la Constitution exige que le président de l’Assemblee nationale en assure l’intérim, jusqu’à la tenue d’élections nationales. Il est important de souligner que le président de l’Assemblee se trouvait hors des frontières togolaises en ce moment.
Sous Faure Gnassingbé, les élections présidentielles du 24 avril 2005, du 7 mars 2010, du 29 avril 2015, et du 22 février 2020, toutes entachées de fraudes massives, de bourrages d’urnes ou d’inversions de résultats, seront chaque fois suivies d’affrontements entre opposants et les milices du parti au pouvoir (le Rassemblement du peuple togolais). Des centaines de morts ont chaque fois été déplorées.
Et Faure n’entend toujours pas céder un seul pouce à l’opposition qui se réduit d’année en année, à peau de chagrin. Dernier exemple en date du despotisme de l’homme fort de Lomé, la promulgation en mai 2024, de la nouvelle constitution d’un pays qui passe à un régime parlementaire où les députés, presque tous acquis à sa cause, éliront désormais le président de la République.