The Economist du 1er juin 2013 a publié un très important article qui avance l’hypothèse que, contrairement à l’opinion dominante, à la croissance démographique attendue d’ici 2030 correspondra une augmentation très sensible du niveau de vie des populations les plus pauvres.
Le taux de pauvreté a d’ailleurs commencé à baisser à partir de la fin du siècle dernier en raison de la croissance économique des PVD de l’ordre de 6 % par an. Par exemple la Chine, largement responsable de ce phénomène, a réduit son taux d’extrême pauvreté de 84 % en 1980 à 10 % aujourd’hui.
Tout indique que, sous réserve d’une meilleure gouvernance, notamment la suppression de la corruption et d’une diminution des inégalités, l’extrême pauvreté de masse pourrait appartenir au passé.
Bien entendu il ne s’agit que d’une prévision et du prolongement d’une courbe qui est le fruit de la généralisation du capitalisme et du libre-échange. Par ailleurs il faut noter que si l’on a réussi à élever le niveau de vie d’un milliard de personnes en passant de 1,25 dollars par jour (en dessous duquel on parle d’extrême pauvreté) à quelque quatre dollars par jour on est encore loin du niveau de pauvreté des pays développés de l’ordre de 15 dollars par jour.
Les prévisions de sortie de l’extrême pauvreté sont d’ailleurs fort différentes selon les pays : si l’Extrême-Orient avec l’exemple de la Chine et de l’Inde sont dans la bonne voie, l’Afrique (notamment subsaharienne) connaîtra pour longtemps un pourcentage élevé de sa population restant dans l’extrême pauvreté.
À ce point on peut s’interroger sur l’efficacité de l’aide aux pays en voie de développement. « Elle a pu jouer un rôle positif dans certaines zones mais il est difficile de prétendre qu’elle a quelques rapports avec la diminution de 50 % d’extrême pauvreté qui pour l’essentiel s’est produite en Chine qui n’a rien à voir avec l’aide internationale et les objectifs de développement du millénaire des Nations unies »
Ces bonnes nouvelles de sortie de la pauvreté sont-elles favorables à la protection de l’environnement ?
Si on en croit l’écologie militante il faudrait plusieurs planètes pour faire face à la pression d’une consommation croissante des ressources.
À ce point nous devons considérer le modèle proposé par la courbe environnementale de Kuznetz :
Bien que contestée cette courbe fondée sur l’observation de deux siècles de croissance économique met en évidence que si dans un premier temps à l’augmentation de la richesse correspond une dégradation de l’environnement la courbe s’inverse dès lors qu’apparaît l’abondance.
Dans la mesure où l’on escompte une sortie massive de la pauvreté il faut donc s’attendre, toutes choses étant égales par ailleurs, à une pression importante sur les ressources environnementales. Ceci est bien illustré par la Chine qui a probablement atteint le point d’inflexion de la courbe environnementale de Kuznetz et commence à se préoccuper des externalités négatives insoutenables liés à sa croissance.
Il est probable que ce phénomène va concerner tous les pays échappant à l’extrême pauvreté. Il faut donc s’attendre au cours des 20 prochaines années à une croissance économique mondiale susceptible de porter atteinte à la qualité environnementale des pays concernés mais aussi de l’ensemble de la planète.
Si l’on accepte ces hypothèses il est temps d’imaginer des politiques susceptibles de concilier croissance et environnement.
Tout d’abord, puisque l’aide aux pays en voie de développement (1) sous sa forme actuelle est largement inefficace et parfois même contreproductive (corruption), il convient soit de la supprimer soit d’en modifier le contenu. À savoir :
• encourager la responsabilité individuelle par la diffusion des droits propriété privés ou en commun (et en ce sens les réflexions de Garrett Hardin et d’Elinor Ostrom sont complémentaires.
• encourager les évaluations environnementales des politiques plans et programmes
• renforcer l’État de droit (rule of law)) et le pouvoir des citoyens…..ce qui suppose un état fort limité par le droit (civil ou common law) interdisant le « tout règlementaire » (command and control)
Pour conclure, le pessimisme n’est plus de saison et l’espoir et là pour autant que les institutions permettent la liberté et la responsabilité des hommes. La pauvreté, qui était associée à la rareté, est devenue un problème d’évolution institutionnelle qu’il est possible de résoudre à peu de frais.
En fin de compte, comme le précisait The Economist dès 2002 « la main invisible verte : les marchés constituent un atout pour l’environnement pour autant que les écologistes puissent apprendre à les aimer » (« How many planets : a survey of the global environment” 6 juillet 2002). L’institution cruciale au centre de la responsabilisation à la fois économique et environnementale est celle des droits de propriété. Encore faudra-t-il que les États, en Afrique comme ailleurs, en fassent la promotion.