Un raid aérien dans le sud de la Somalie cause la mort d’une dizaine de personnes. Qui est à l’origine de l’attaque ?
Des avions de chasse ont bombardé une zone du sud de la Somalie contrôlée par les insurgés shebab, ont rapporté mercredi des responsables rebelles et des témoins. C’est à Hosingow, région du Bas-Juba, que les pilotes ont mené leur opération. Pour l’heure, aucun témoin n’est en mesure de préciser la provenance exacte de ces avions de chasse, mais selon eux tout porte à croire qu’il s’agirait de l’armée kényane. Un rapprochement avec les raids menés par les Kényans il y a deux mois a été fait. D’autant plus que samedi 17 décembre, l’armée kényane avait annoncé son intention de mener des attaques aériennes contre des positions rebelles shebab à l’intérieur de la Somalie.
Ces attaques ont causé principalement la mort de civils. « Il y avait au moins trois avions militaires qui ont lâché des bombes sur Hosingow, et l’une d’entre elles a touché une maison, tuant des civils », a déclaré à l’AFP Abdi Isak, un témoin. « Onze personnes, la plupart d’entre elles civiles, sont mortes dans le raid », a-t-il ajouté. « Une des bombes a atterri près d’une rue où les habitants vaquaient à leurs occupations, ils ont lâché des bombes et sont partis sans savoir qui ils ont tués », a raconté un autre témoin, Ahmed Yusuf. « Plus de dix personnes sont mortes et treize autres sont blessées, certaines d’entre elles sérieusement », a-t-il précisé. « L’ennemi a lâchement ciblé des civils à Hosingow et tué plus de dix civils innocents dans le bombardement de maisons par leurs avions de chasse », a déclaré un responsable des shebab, Sheikh Abukar Ali. « Ils vont le regretter, les combattants mujahideen se vengeront de cette attaque », a-t-il ajouté. Les shebab qui contrôlent plusieurs zones du sud de la Somalie doivent faire face à d’importantes pressions de la part du gouvernement de transition somalien (TFG), de l’Union africaine (UA) et du Kenya. Mais comment se fait-il que le conflit ne soit quasiment plus médiatisé, voire plus du tout ?
De la médiatisation au passage à l’ombre
La Somalie occupait une place de choix dans les manchettes médiatiques du monde entier. Depuis une vingtaine d’années, ce pays est sans gouvernement central et est principalement dirigé par des clans. Une lutte territoriale devenue féroce depuis la chute en 1991 du dictateur Mohamed Siad Barré. Réélu en 1986, le général Barré a dû faire face à une opposition devenue accrue et n’a eu d’autres choix que de quitter le pays. Dans sa chute, il entraîne avec lui la mort de milliers de personnes, la divisions du pays par factions et clans et la dégringolade de l’économie !
Aujourd’hui le conflit est de moins en moins médiatisé. Pourtant, ils étaient près de 2000 soldats kenyan, le 16 octobre, à entrer sur le territoire somalien, officiellement pour combattre les insurgés shebab. L’opération a été baptisé « Linda Nchi ». Mais à ce jour, peu d’informations sur le conflit sont relayées par les médias. La presse kenyane est d’ailleurs la première à taire le sujet. On constate que la Somalie n’a plus droit aux gros titres et aux premières pages comme c’était le cas auparavant. Certainement parce que depuis sa création en 1960, la Somalie est le lieu d’incessants combats…
Bref historique d’un conflit (après la fuite de Barré)
Face à l’échec de l’accord d’un cessez-le-feu signé en février 1992, sous l’égide des Nations unies, l’Onu décide qu’une opération militaire sera menée par les Etats-Unis. Ainsi, en décembre 1992, 28 000 soldats américains débarquent en Somalie dans le but de « ramener l’espoir » (Restore Hope). L’opération est un fiasco et s’achève en mars 1994. Le pays tombe de nouveau dans le chaos. Il est divisé en plusieurs régions contrôlées par différentes factions militaires. Il faudra attendre jusqu’en 2000, après l’échec d’une douzaine d’accords de paix, pour qu’un gouvernement de transition soit lancé par divers leaders claniques. Ils élisent Abdiqasim Salad Hassan à la tête de la Somalie. Il est remplacé en 2004, sans avoir apporté la paix, par Abdullahi Yusuf Ahmed, un commandant soutenu par l’Ethiopie. Mogadiscio, capitale de la Somalie, est contrôlée par divers chefs locaux et n’es pas assez sécurisée pour permettre au gouvernement de s’implanter dans la capitale. C’est depuis Baidoa, au nord, que le gouvernement de transition tente de diriger le pays. Le 29 décembre 2008, le président Abdullahi Yusuf Ahmed annonce sa démission, regrettant de ne pas avoir pu mettre fin au conflit somalien. Le Parlement élit alors le cheikh Sharif Ahmed, ancien dirigeant de l’Union des Tribunaux islamiques (UTI), à la présidence de la République. Il devient le 3e président d’une République en désordre total. Les Shebab font partie d’un groupe islamiste somalien issu de la fraction la plus dure de l’Union des tribunaux islamiques et milite pour l’instauration de la charia. En 2009, ils se déclarent en guerre contre le gouvernement de Sharif Ahmed, un modéré de l’UTI. Ils obtiennent une victoire en 2008 lors de la bataille de Kismayo. Après avoir pris le contrôle de la ville, ils reprennent le port situé près du Kenya. Aujourd’hui les shebab sont les principaux adversaires du gouvernement actuel de transition. Ils contrôlent la majeure partie du sud de la Somalie. |