La société civile transforme le Maroc


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Au cours des vingt dernières années, plusieurs développements positifs sont intervenus au sein de la société civile marocaine, preuve que les organisations dans ce secteur peuvent influencer la politique d’un pays en constante évolution.

Par Moha Ennaji

Le Maroc a connu des changements spectaculaires dans les années 90 lorsque les difficultés économiques et la pression sociale ont conduit le roi Hassan II du Maroc à modifier la constitution pour permettre davantage de réformes politiques. La loi électorale a été révisée afin que tous les membres de la Chambre des Représentants soient élus par vote populaire. La sphère politique étant devenue plus démocratique, une multitude d’organisations et d’associations de la société civile sont apparues sur la scène nationale, ce qui a eu pour effet d’améliorer les droits de l’homme, les droits des femmes, le développement économique, l’éducation et la santé, et de propulser le Maroc au premier plan de la réforme juridique, sociale et politique dans les pays arabes et musulmans.

Le dialogue continu qu’entretiennent ces organisations avec le gouvernement marocain a conduit l’actuel roi Mohammed VI à créer la première commission pour la vérité dans le monde arabe, l’Instance Equité et Réconciliation (IER). Fondée en janvier 2004, l’IER a mené des enquêtes et documenté ses recherches sur les disparitions forcées, les détentions arbitraires et autres violations graves survenues entre 1956, date de l’indépendance du Maroc, et 1999, date de la mort du roi Hassan II après trente-huit ans de règne. Depuis sa création, l’IER a procédé à l’indemnisation de plus de 9000 victimes et survivants et a proposé des garde-fous pour éviter que de telles violations ne se reproduisent, dont la séparation des pouvoirs et le respect accru des droits de l’homme dans la législation nationale.

La collaboration entre l’Etat et la société civile a continué à faire avancer le pays grâce à d’autres réformes relatives aux droits des femmes, au travail et aux droits des minorités ethniques. Le nouveau droit de la famille, adopté en janvier 2004, garantit plusieurs droits importants aux femmes comme le droit au divorce et le droit de garde des enfants en cas de divorce. Il a également relevé l’âge légal du mariage de 15 à 18 ans.

Le nouveau code du travail garantit les mêmes droits aux travailleurs des secteurs privé et public. Le code de la nationalité a été réformé en 2008 grâce aux nombreux efforts accomplis par des organisations non gouvernementales (ONG) défendant les droits des femmes telles que l’Association démocratique des femmes marocaines et l’Union de l’action féminine. Il reconnaît dès lors le principe de l’égalité des sexes en permettant aux femmes de transmettre leur nationalité marocaine à leurs enfants dont le père n’est pas marocain (une question qui fait toujours l’objet de vives discussions dans d’autres pays arabes).

Enfin, en 2001, les pressions exercées par les organisations amazighes (ou berbères) ont abouti à la reconnaissance et au renouveau de la langue amazighe à travers la création de l’Institut royal de la culture amazighe qui sauvegarde et promeut la langue amazighe en partie en l’introduisant dans les écoles et les universités.

Il y a deux grands types d’organisations de la société civile qui non seulement ont initié ces changements mais ont aussi veillé à ce qu’ils se concrétisent. Les premières assurent des services publics, comblant les lacunes de l’Etat en matière de développement social et économique. Ces ONG assurent l’éducation, la santé et le développement économique en construisant des écoles et des centres de santé dans les zones rurales et les villages.

Quant aux secondes, qui représentent surtout les groupes contre les violations des droits de l’homme, elles soutiennent et font du lobbying en vue de renforcer la culture démocratique au Maroc. Elles sont passées d’un rôle défensif en dénonçant les violations des droits de l’homme sous le règne du roi Hassan II, à un rôle proactif en favorisant les valeurs démocratiques et la règle de droit. Certaines de ces grandes ONG comme l’Organisation marocaine des droits de l’homme, l’Association marocaine des droits de l’homme (dont le nom est semblable à celui de la précédente) et l’organisation Tamaynout ont même endossé les deux rôles à la fois: elles fournissent des conseils juridiques aux victimes de violations des droits de l’homme tout en faisant du lobbying pour obtenir un changement législatif afin d’assurer une meilleure protection de ces droits.

La société civile au Maroc favorise une participation civile active, une mobilisation sociale, une bonne gouvernance et une culture de citoyens responsables au lieu d’une culture de sujets passifs. Les organisations de la société civile sont devenues de véritables écoles de démocratie en habituant les jeunes à être plus impliqués dans le travail communautaire et l’action collective à la recherche du bien commun.

Le défi auquel doivent faire face ces organisations est de s’imposer comme forces pour innover et encourager l’Etat à changer les lois qui sont préjudiciables aux Marocains et à leur démocratie. L’Etat au Maroc compte en effet sur ces organisations pour mettre en œuvre la politique et l’aider à répondre aux besoins du public. Offrir à ces organisations les moyens d’agir de manière indépendante permettrait à la société civile de véritablement collaborer avec l’Etat.

*Moha Ennaji est écrivain, consultant international, professeur de linguistique à l’Université Sidi Mohamed Ben Abdellah et président du Centre Sud Nord pour le dialogue interculturel à Fez au Maroc. Article écrit pour le Service de Presse de Common Ground (CGNews).

Source : Service de Presse de Common Ground (CGNews), 29 juin 2010.
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