Deux ans et demi après avoir succédé à la Sabena, première compagnie aérienne occidentale en Afrique, la SN Brussels prend ses marques sur le continent. La nouvelle compagnie privée qui n’a aujourd’hui plus grand chose à voir avec le mastodonte semi-publique tombé en faillite, cherche à se faire un nom. Le manager général pour la France de la SN, Herman Carpentier, revient avec Afrik sur la stratégie africaine de sa compagnie, axée sur les destinations délaissées et sur les classes « Affaire ».
Voilà plus de deux ans que la mythique Sabena, première compagnie aérienne occidentale à s’être rendue en Afrique, a disparu. SN Brussels, son successeur, recommence petit à petit à prendre ses marques sur le continent. Quatorze des 21 destinations africaines du transporteur belge ont été récupérées par la nouvelle société privée, qui souhaite aujourd’hui imposer son nom. Car en dehors de la filiation capitalistique et du logo qui la rattache à l’ancienne compagnie nationale, la SN Brussels est aujourd’hui une société nouvelle, explique son Manager General pour la France. Herman Carpentier revient avec Afrik sur le nouveau statut de la SN, ainsi que sur sa stratégie, basée sur les « marchés niches » et les classes affaires.
Afrik : Quels sont les liens existants entre l’ancienne Sabena et la SN Brussels ?
Herman Carpentier : Il n’existe qu’un seul petit lien avec l’ancienne Sabena. Il s’agit d’une société qui se nomme SIC, (centre de coordination financière de la Sabena), qui existe toujours et est gérée par les liquidateurs de la Sabena. Elle a converti une dette de la société DAT – donc de la SN Brussels airlines – envers elle en actions. C’est le seul lien capitalistique avec l’ancienne Sabena. Maintenant, l’actionnariat de la SN est presque totalement privé.
Nous pouvons dire que nous sommes la compagnie venue en lieu et place de la Sabena car nous avons sorti une filiale de cette société en faillite, simple opérateur sans service commercial, pour en refaire une nouvelle compagnie, trouver un capital, créer une structure, trouver un nouveau nom. Nous avons également repris le code iata, « SN », dénominateur du numéro de vol. Ce qui a créé une certaine reconnaissance auprès des opérateurs puisqu’il existe depuis des dizaines d’années. Enfin, nous avons repris le logo, « S », sur l’aile de nos avions, comme signe de reconnaissance. Il y a eu sur ce point un accord entre la société SN et le liquidateur de la Sabena, dont j’ignore les détails. Mais je suppose que nous avons tout intérêt à garder ce logo, qui a déjà une belle histoire derrière lui.
Afrik : Ne craignez-vous pas, en reprenant ce logo, de ne pouvoir vous défaire de l’image de la Sabena ?
Herman Carpentier : Le nom de « Sabena » est très connu en Afrique. Car on peut dire que sur la plupart de nos escales, nous sommes les premiers ou les seconds. Donc, d’une part, nous avons intérêt à promouvoir notre nouveau nom « SN Brussels ». De l’autre, cela ne nous fait pas trop de tort de rester associés, dans l’esprit des gens, au nom de la l’ancienne compagnie !
Afrik : La Sabena a été la première compagnie à aller en Afrique. Estimez-vous garder une spécificité africaine ?
Herman Carpentier : Oui, je crois que nous avons trouvé des « marchés niches ». C’est-à-dire que lorsque l’on pense à l’Afrique, on pense souvent à des destinations comme Johannesburg, Dakar, Nairobi et d’autres lieus touristiques. Mais si nous sommes aussi sur ce type d’escales, comme Dakar… nous sommes surtout sur des destinations uniques, peu connues, comme Monrovia, Freetown, Banjul… Je crois qu’un citoyen moyen européen ne les connaît pas, si ce n’est par rapport à l’actualité, aux émeutes … Notre point fort, en cela, sans doute un héritage de la Sabena, est que nous sommes connus pour être la dernière compagnie à partir en cas de problème et la première à revenir quand les choses se stabilisent.
Afrik : Est-ce intéressant, financièrement, de desservir Freetown ou Monrovia, par exemple ?
Herman Carpentier : Il y a toujours un flux de personnes de et vers ces pays. Le commerce continu, avec le transport de matières premières, de diamants… Et dans nombre d’entre eux, les Nations Unies font des efforts importants pour remettre l’administration en place et recréer une économie viable. Pour cette tâche, ils ont besoin de beaucoup de personnels. Nombre d’organisations internationales sont également présentes en matière d’aide humanitaire… Tout cela fait donc beaucoup de mouvements. Et une fois que le pays recommence à vivre, les gens qui ont quelques moyens peuvent rapidement visiter leurs familles en Europe ou ailleurs.
Afrik : Quelle est la fréquence des vols sur ces deux destinations ?
Herman Carpentier : La fréquence est d’un vol par semaine pour Monrovia et de deux pour Freetown, où nous sommes les seuls à nous rendre.
Afrik : Y a-t-il une de vos destinations qui ne serait pas rentable ?
Herman Carpentier : Je crois que l’Afrique en général est rentable. Certaines destinations le sont moins que d’autres mais il ne m’est pas possible d’en nommer une. Nous n’avons pas connaissance, ici (à Paris, sic), de la rentabilité route par route. Mais en général, le plus difficile est de rentabiliser les destinations touristiques. Le nombre de personnes qui vont sur une destination n’est pas forcément un gage de rentabilité.
Afrik : Vous êtes en effet orientés vers les passagers « Business »…
Herman Carpentier : D’abord, il est important de dire que nous sommes une compagnie régulière, ce qui signifie que notre programme fonctionne aussi bien en haute qu’en basse saison. Au contraire des charters. Nous sommes donc obligés de nous intéresser à l’homme d’affaires, à tous ceux qui veulent voyager avec une certaine flexibilité, un certain confort… Il est nécessaire d’avoir un bon mixe sur un vol. Ce n’est pas un problème de remplir un avion. Le problème est de le remplir au bon prix. Car au plus bas prix, on sait qu’un vol n’est pas rentable. Il faut donc avoir des hommes d’affaires qui se permettent de payer un peu plus pour certains services, et pour la flexibilité. 42 sièges sur 267 sont réservés aux Business Class sur nos vols. Maintenant, pas mal d’hommes d’affaires voyagent également en classe économique. Mais ils maintiennent la flexibilité de leur billet et payent donc plus cher.
Afrik : Vous avez repris 14 de 21 destinations africaines de l’ancienne Sabena. Sur lesquelles n’êtes vous pas retournés et pourquoi ?
Herman Carpentier : Il s’agit principalement de destinations en l’Afrique de l’Ouest, des pays du sud du Maghreb, tel Bamako (Mali, ndlr), Lomé (Togo, ndlr), Cotonou (Bénin, ndlr), Lagos (Nigeria, ndlr). Puis vient l’Afrique du Sud où la Sabena avait deux escales, avec Johannesburg et Le Cap. Sinon, je crois que nous avons repris l’essentiel sur l’Est et le Centre. Je crois que nous n’y sommes plus pour une question de rentabilité. Il y a bien le volume, sur ces destinations, mais le trafic n’est pas très orienté « Affaires ». Les billets sont donc souvent vendus au prix moyen et n’assurent pas la rentabilité des vols.
Afrik : La concurrence est également forte sur ces destinations …?
Herman Carpentier : Air France y est toujours présente, et il est vrai que deux compagnies régulières sur ces régions est peut-être trop.
Afrik : Quel volume de passagers transportez-vous en Afrique ?
Herman Carpentier : On frôle les 200 000 passagers. Depuis 2002, qui était notre première année d’exercice, nous progressons de 35% tous les ans. Kinshasa compte parmi les escales les plus rentables, avec près de 43 000 passagers. Ce qui est beaucoup. Kigali n’est probablement pas loin, avec Monrovia et Freetown, qui sont également intéressantes. D’autres destinations le sont peut-être moins, mais nous tenons bien. L’avantage également est que l’on combine toujours deux escales. La rentabilité d’un vol dépend donc de la « qualité » du passager, mais aussi des deux destinations que nous parvenons à coupler.
Afrik : De nouvelles escales sont-elles en vu ?
Herman Carpentier : Non, car il faut d’abord s’assurer que chacune de nos escales actuelles est bien rentable. Maintenant, nous ne sommes pas une grande flotte. Nous disposons de trois avions Airbus A 330 et 300. De nouvelles escales, car il en faudrait au moins deux, cela signifie un nouvel avion.
Afrik : Sur vos vols, en particuliers ceux en partance de Kinshasa, vous effectuez une seconde fouille, aux pieds de l’avion, en plus de celle de la douane. Pourquoi?
Herman Carpentier : Cela est normal car il faut rappeler que c’est la compagnie qui paye les frais si un clandestin embarque. En Belgique, l’amende est de 3 000 euros.
Afrik : Selon le rapport de Commission de Bruxelles, ce sont les lourdeurs administratives, la politique… qui ont tué la Sabena ? Vous sentez-vous plus légers aujourd’hui ?
Herman Carpentier : On sent surtout qu’on travaille tous un peu plus. Il est clair que la seule façon d’avoir du succès avec une compagnie aérienne est, dès le début, de veiller énormément aux coûts. Peut-être était-ce un luxe pour nous de pouvoir redémarrer de zéro. On demande certainement au personnel d’être plus productif qu’auparavant. Ce qui est important également est que les échelons hiérarchiques sont très réduits. Nous sommes très rapidement en lien avec le sommet de la pyramide.
Afrik : Vos pilotes ont trouvé une manière d’économiser le carburant en modifiant la procédure d’atterrissage….
Herman Carpentier : Oui, il s’agit d’une procédure que les pilotes ont eux-mêmes mis au point, après s’être aperçu qu’en changeant quelques paramètres de vol, tout en restant dans les normes de sécurité, on pouvait économiser du carburant. Sur l’ensemble de la flotte, nous avons réalisé un million d’euros d’économie l’an dernier. Cela correspond à une recherche constante de diminution de coûts.