La Russie rattrapée par son passé nègre


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Abraham Hanibal

Après la polémique suscitée en Russie par la découverte de l’historien et slaviste Dieudonné Gnammankou en 1995, suivie de la parution de son livre historique « Abraham Hanibal, l’aïeul noir de Pouchkine », le peuple russe a fini par accepter cette irruption dans sa culture.

Il y a sept ans Dieudonné Gnammankou, historien béninois, ébranlait la Russie toute entière en publiant dans les colonnes du quotidien russe Moskovskaïa Pravda, les résultats de ses recherches sur l’origine africaine de l’arrière grand-père de celui que les Russes considèrent comme le fondateur de la littérature russe moderne, Alexandre Pouchkine. Abraham Hanibal était originaire du bassin du Lac Tchad (actuel Cameroun), dans la ville de Logone et non en Ethiopie. « Pendant plus de cent ans, on a cherché la ville de Logone en Abyssinie (Ethiopie) alors qu’en fait il s’agissait de toute l’Afrique située au sud de l’Egypte. Mais l’académicien a préféré limiter ses recherches au territoire de l’Ethiopie qui lui était contemporaine ». rappelle Dieudonné Gnammankou.

Aujourd’hui, après des années de tergiversations, les Russes semblent avoir avalé la pilule. La sortie d’un film documentaire, le 02 juin dernier, en Russie, sur la vie d’Abraham Hanibal, dont Dieudonné Gnammankou, est le consultant principal, en est la preuve.

L’aïeul porté aux nues

Pour les besoins de la réalisation, « l’équipe a même dû se rendre au Cameroun. Leur deuxième destination, pour retracer l’histoire d’Hanibal, fut l’Aisne (en France), la région où il avait fait ses études de génie militaire en 1723 dans l’école fondée par Louis XV « , raconte Dieudonné Gnammankou, qui les a conseillés tout au long de ce documentaire.

La première diffusion a eu lieu à l’occasion de l’inauguration de l’ancien musée de Hanibal à Petrovskoé (Pskov, Russie), que l’Etat russe a restauré pour l’occasion. Le musée regroupe des objets ayant appartenu au « personnage numéro 4 de la Russie au 18ème siècle ».

Deux importantes dates commémoratives ont contribué à raviver l’histoire. Le bicentenaire de Pouchkine le 6 juin dernier et plus récemment ce 13 juillet, le 305ème anniversaire d’Hanibal. La Russie a été rattrapée par son passé nègre.

Pour rappel, Abraham Pétrovitch Hanibal était un célèbre général de l’armée russe, éminent ingénieur, connu surtout pour ses talents de mathématicien et de fortificateur de la Russie du XVIIIe siècle. A huit ans (en 1704), Hanibal fut vendu à l’ambassadeur de Russie à Constantinople, qui l’offrira au Tsar Pierre Le Grand de Russie. Formé au savoir scientifique et militaire occidental, il deviendra, sous l’impératrice Élisabeth, l’une des plus importantes personnalités de l’empire russe.

Hanibal…cet égyptien !

Pouchkine, surnommé par ses contemporains « le singe  » – à cause de ses traits africains prononcés – a toujours revendiqué sa double origine russe et africaine et ce, dès son premier roman « Le nègre de Pierre Le Grand », et tout au long du 19ème siècle jusqu’à sa mort. A cette date seulement, la Russie, influencée par les théories raciales, gomme l’africanité de Pouchkine. Les historiens de l’époque ont soutenu qu’un Nègre ne pouvait pas faire preuve d’intelligence et encore moins être le fondateur de la littérature russe moderne. Déniant l’héritage de Pouchkine, ils décrètent que l’écrivain poète était d’origine… éthiopienne !

« Pour les Occidentaux être Éthiopien signifie alors non-africain », s’amuse Dieudonné Gnammankou. Les historiens ont donc falsifié la biographie de Pouchkine pour accroître le prestige de sa lignée et « éviter de le rattacher à une affreuse tribu nègre d’Afrique centrale qui serait peuplée de sauvages, ce qui n’embellissait pas la généalogie de Pouchkine ».

Cette thèse a été retenue jusqu’à la parution de la récente découverte du béninois Dieudonné Gnammankou. Les Russes savent désormais que les Noirs de ce monde peuvent être doués d’une vivacité d’esprit et d’une intelligence suffisante pour produire des oeuvres capables d’ébranler l’âme du plus coriace des leurs.

Pour en savoir plus, vous pouvez commander le livre de Dieudonné Gnammankou « Abraham Hanibal l’aïeul noir de Pouchkine » aux Editions Présence Africaines

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