Dakar est arrivée à saturation depuis une dizaine d’années et la classe dirigeante sénégalaise est unanime : il faut une autre région apte à la seconder. Mardi 12 juillet, suite au vote d’un projet de loi, Kébémer, le département natal du Président Wade, a été choisi pour accueillir la nouvelle capitale administrative et politique du Sénégal. Les divergences éclatent sur le choix de cette région, chacun privilégiant les affinités personnelles, aucune ne répondant aux réels besoins du pays.
Par Alix Koffi
Il faut changer la tête du Sénégal. Un projet de loi, voté le 12 juillet, a choisi le département de Kéméber (Nord-Ouest) pour accueillir la future capitale politique et administrative du pays, laissant à Dakar, l’actuelle capitale, les seules fonctions économiques. « Dakar ne sied plus. Elle convenait aux besoins économiques de l’époque, aujourd’hui elle est totalement dépassée », explique à Afrik Doudou Wade, vice-président du groupe parlementaire Libéral et Démocratique (majorité présidentielle). Depuis une dizaine d’années, la ville de Dakar n’assume plus son rôle de ville principale et pose un réel problème de développement. De 1 500 habitants en 1875, elle est passée à plus de 2 millions en 2001 et, bâtie sur une presqu’île, elle ne permet pas de croissance spatiale. Le problème foncier est devenu le principal obstacle à l’investissement. Les deux routes qui permettent de s’y rendre et d’en sortir ne supportent plus le flux quotidien. Et génèrent des embouteillages quasi-permanents.
Querelles de politiques
Le choix de Kéméber est un « choix présidentiel », dénonce l’opposition. « C’est un choix monarchique. On a un Président qui veut choisir sa ville natale comme capitale », confie Abdoulaye Babou, député à l’Assemblée Nationale, membre de l’Alliance des forces du progrès (opposition). Kéméber étant la région de naissance du président Wade, l’opposition accuse ce dernier de suivre les traces du défunt Président ivoirien, Félix Houphouët-Boigny, qui avait fait de Yamoussokro, son village natal, le centre politique du pays. Autre point litigieux, le choix de Kéméber évince la région de Thiès, premièrement pressentie ; or, c’est de cette région qu’est originaire Idrissa Seck, ancienne éminence grise du Président Wade, son nouvel ennemi devenu le « Sarkozy africain ».
« Le choix de la capitale s’est fait sur des considérations politiques », constate Cheikh Gueye, géographe et chercheur. Selon lui, Thiès et Kéméber se trouvent toutes deux sur le littoral atlantique, répondant ainsi à la volonté du gouvernement de construire la nouvelle capitale près de l’océan. « Le choix confirme un tropisme Nord-Ouest des villes du pays », indique le scientifique. Qui soulève la question du « désert sénégalais », provoqué par une concentration des activités sur le littoral au détriment de l’intérieur du pays. Le gouvernement reprend ainsi le choix des colons français qui créèrent ce déséquilibre en bâtissant les villes sur les côtes à des fins commerciales. « Jusque-là on prônait une politique de rapprochement avec les pays de la sous région, comme le Burkina Faso. Un tel choix n’est pas pour faciliter l’intégration sous-régionale. » On peut noter que toutes ces querelles autour de la nouvelle capitale pourraient bien s’avérer inutiles, car aucune source de financement n’a été définie à ce jour pour sa construction.