Madame, Monsieur
Je vous envoie cette réflexion faite au lendemain du discours du président Paul Biya, le 31 décembre 2007.
La révision constitutionnelle au Cameroun: prévisible et ignoble
En Afrique, lorsque, à l’intérieur du parti au pouvoir, la succession est aussi brouillée et illisible à moins trois ans de la fin d’un mandat présidentiel, il ne faut pas s’attendre aux miracles. C’est la reconduction du président sortant en perspective, par tous les moyens! Par conséquent, il n’y a rien de nouveau sous le soleil camerounais. C’est l’histoire qui se répète. Sauf pour ceux qui pensaient naïvement que Biya voudra, lui aussi, suivre l’ère du temps en quittant dignement son fauteuil seigneurial comme la plupart de ses pairs africains. Une fiction hyperbolique quand on sait l’attachement viscéral du magistrat suprême aux délices du pouvoir.
La verticalité du pouvoir de son discours du 31 décembre 2007 sur son désir d’éternité aux affaires montre à suffisance que le peuple camerounais n’est pas à la fin de ses malheurs. Et encore! Ne dit-on pas qu’en »démocratie » le peuple a le dirigeant qu’il mérite? Foutaises! Voilà en tout cas, une ignominie supplémentaire qui suscite une réflexion de fond sur le paradoxe de la représentativité politique chez nous: ce peuple si spolié et malmené a t-il encore une volonté propre? Comment garantir l’expression de cette volonté dans un contexte particulier où, paradoxalement, elle ne s’exprime que, médiée par son unique représentant: Paul Biya?
Dès lors, comme une nécessité historique, il s’impose l’urgence d’un refus radical et d’une contestation soutenue fondée en raison sur la préservation de l’intangibilité de la loi. Non pas la loi de la nature ou du plus fort qui n’est jamais en tout temps assez fort; mais celle de la volonté générale qu’on ne saurait confondre honnêtement avec ces appels épars et instrumentalisés à la révision constitutionnelle. Mais d’où viendra cette contestation postulée? Par qui et au profit de qui? Des questions à n’en plus finir.
…mais pas de chaos à l’horizon
Mon optimisme malgré tout quant à la préservation de la paix sociale et ma conviction douloureuse du statu-quo ante se fondent sur au moins trois raisons.
D’abord, la faillite de l’opposition. Jusqu’à date, le réquisitoire souhaité de l’opposition qui aurait pu faire voler en éclats le système réprésentatif actuel n’ a été qu’une comédie tragique. Et pour cause, le contre-pouvoir, ou ce qui en tient lieu est devenu, l’histoire suivant son cours, candidat à la quête prébendière et définitivement inapte à quelque dynamique unitaire seule garante d’un combat politique équitable contre le bruyant et tentaculaire parti des flammes. À la place du combat, nos opposants essoufflés s’activent à faire les yeux de Chimène au prince d’Étoudi. La priorité n’est plus à l’alternance. Chacun veut occuper une place à la droite/gauche du père, dépendamment des caprices de ce dernier.
Ensuite, l’anesthésie de la tonitruante et velléitaire génération 2011. Elle qui caressait il y a encore quelques mois le rêve intempérant et somme toute légitime de prendre les rênes du pouvoir est contrainte de revisiter sa »feuille de route »en différant l’actualisation de ses fantasmes pouvoiristes. En distillant dans les journaux la liste des présumés détourneurs de deniers publics, le président Biya offre aux camerounais la forme télégénique de l’autoflagellation doublée d’un jeu de massacre des ambitions politiques de ses dauphins, tous autoproclamés. En effet, contre certains prétendus prévaricateurs regroupés au sein de la nébuleuse G11, Biya se plaît à jouer les croquemitaines. Il agite cyniquement la peur à travers le spectre rapace de l’Epervier, ressuscité au gré des événements, pour contraindre au silence ses éventuels contradicteurs embourgeoisés, moins que lui, issus de son propre camp.
Et le peuple alors?
De ce dernier, il ne faut rien attendre. Dans sa relation avec son président, le corps social camerounais, vassalisé et dévitalisé, a pris l’habitude de se faire cocufier au quotidien et stoïquement par son versatile et insatiable bourreau. Cette attitude passive, proche de l’autocompromission lui est désormais consubstantielle. Sans doute, pense t-il, c’est le seul moyen de sauvegarder la paix sociale. Erreur!
Au demeurant, peu importe la réflexion que suscite la modification de la constitution. Lorsqu’à plus de soixante dix ans on nourrit encore de »grandes ambitions », cela peut être interprété de deux façons: soit on est sous l’emprise d’une vocation tardive, soit on baigne dans l’illusion conjuratoire de l’irréversibilité du temps qui nuance pourtant tout. La constitution n’est qu’un mot qui n’historialise rien! Ce sont les êtres concrets, en chair et en os, y compris Biya qui doivent prendre leur destin en main à travers un examen de conscience sans complaisance. Chacun, Paul Biya en premier, doit se demander quelle image il veut présenter à la face du monde.
Il est évident qu’au niveau où se trouve notre pays, personne, même avec le coeur en bandoulière, ne pourra redonner aux Camerounais, du jour au lendemain, la prospérité et la fierté perdues.
Ce n’est pas tant la modification de la constitution qui fait problème. C’est dans le contexte actuel, le prétexte qu’elle subsume: le refus de l’alternance. Au grand mépris de la durée des mandats! Alors, de grâce, n’entamons pas le seul secours et recours qui reste à notre pays exténué et exsangue. C’est ce qui reste aux citoyens quand ils ont tout perdu.
Par Vincent Atangana Édima