L’Afrique, en particulier l’Afrique de l’Ouest, connaît une recrudescence des régimes militaires, soulevant des inquiétudes sur leur impact sur la stabilité et la démocratie du continent.
Depuis une décennie, l’Afrique, en particulier l’Afrique de l’Ouest, est témoin d’une recrudescence des régimes militaires. Mali, Burkina Faso, Niger, Guinée ou encore Soudan, autant de nations où les coups d’État ont renversé des gouvernements élus pour imposer un pouvoir martial. Si ces régimes prétendent apporter sécurité et stabilité, l’histoire et les évolutions récentes soulignent des impacts souvent néfastes pour les populations et les institutions démocratiques. Pourquoi ces régimes resurgissent-ils, et quelles sont leurs implications pour l’avenir du continent ?
Militarisme : une réponse à la crise ou un problème en soi ?
Les récents coups d’État s’inscrivent dans une tradition politique profondément ancrée dans l’histoire postcoloniale africaine. Entre 1956 et 2001, le continent a enregistré près de 80 coups d’État réussis. Ces régimes militaires naissent souvent d’un mécontentement généralisé : incapacité des élites civiles à gérer des crises économiques et sociales, montée de l’extrémisme violent, ou corruption rampante. Pour de nombreux citoyens frustrés, les militaires apparaissent comme une alternative aux politiques traditionnelles.
Cependant, cette solution s’avère souvent illusoire. Le militarisme, bien que promettant l’ordre et la prospérité, engendre souvent des gouvernements autoritaires, caractérisés par la répression des médias, la restriction des libertés publiques et des violences envers les populations civiles. Comme le souligne un historien militaire, ces régimes adoptent une « discipline de fer », séduisant ceux qui perçoivent la démocratie comme chaotique, mais échouent à instaurer l’utopie promise.
Une jeunesse désillusionnée et en quête de changement
Kako Nubukpo, économiste togolais, a mis en lumière un facteur clé de cette instabilité : la jeunesse africaine. Avec une population qui devrait doubler d’ici 2050, l’Afrique est confrontée à une pression démographique sans précédent. La majorité des jeunes, souvent marginalisés et sans perspective d’emploi, voient dans les coups d’État une forme de revanche contre les systèmes politiques perçus comme défaillants.
Cependant, Nubukpo alerte sur le danger de ces dynamiques : sans investissements dans l’éducation, l’emploi et le développement, les tensions sociales risquent d’exploser. Il plaide pour une coopération internationale renforcée, mais renouvelée, basée sur les aspirations des jeunes Africains. Selon lui, seule une approche inclusive et durable permettra de stabiliser le continent.
Le poids des influences extérieures
Outre les dynamiques internes, les régimes militaires africains s’inscrivent dans un contexte géopolitique complexe. En rejetant les partenariats historiques avec des puissances occidentales comme la France ou les États-Unis, plusieurs États, notamment le Mali et le Burkina Faso, se rapprochent d’acteurs comme la Russie, souvent via des mercenaires tels que le groupe Wagner. Ces alliances soulèvent des questions sur la souveraineté réelle de ces régimes et leurs motivations profondes.
En même temps, la réduction de l’aide au développement par des nations européennes, comme la France, complique davantage la situation. Nubukpo évite qu’une telle stratégie risque d’aggraver les fragilités structurelles du continent, renforçant les frustrations et les instabilités.