A quelques jours de la rentrée des classes, les librairies « par terre » sont sur le pied de guerre au Sénégal. Les manuels d’occasion, récupérés pendant l’année pour être revendus à même le sol dans les rues de Dakar, font allègrement concurrence au marché du neuf. Une profession à la fois lucrative et sociale à forte saisonnalité.
De notre partenaire Le Nouvel Economiste
Les librairies « par terre » ou comment acheter les livres et les fournitures scolaires à moindre frais. La rentrée des classes prévue le 6 octobre prochain au Sénégal, fait les affaires du secteur informel. Installés sur la chaussée dans les rues de Dakar, de nombreux commerces vendent de l’occasion et soulagent les portefeuilles de parents. Une profession qui rapporte et s’inscrit comme l’alternative salutaire au marché du neuf.
Le métier nourrit-il son homme ? « Al Hamdoul Lilahi (Dieu merci, ndlr) », dira Mbaye Seck, un acteur du secteur. Mais, s’empresse-t-il de préciser, « Cela ne dure pas, mais franchement, à pareils moments, on s’en sort », commente-t-il. El Hadji Kénémé, autre libraire d’occasion se montre plus explicite. « C’est un long investissement. Nous achetons, mon oncle et moi, à moitié prix sinon moins, des livres que nous stockons. Il arrive des fois qu’on achète des livres à 2 000, 1 500 ou 500 F CFA bon an mal an. Nous en achetons plus d’une centaine et quand arrive la rentrée des classes, nous les revendons du simple au double. La précaution principale, après vérification de l’état du livre, est d’éviter ceux où figurent des cachets d’établissements scolaires qui sont la plupart du temps des vols ou des oublis volontaires de restitutions, ce qui revient au même. » Combien gagne-t-il alors ? « Franchement, je ne peux pas le dire. Je travaille avec mon oncle et ce que je peux dire, c’est que la vente se fait du simple au double », répond notre interlocuteur. « Plus nous achetons des livres, plus nous gagnons de l’argent, c’est simple et logique. »
Réunis en association
Un informel qui s’organise. « Maintenant, le secteur se modernise, nous nous sommes même réunis dans une structure dénommée ABS (Association des Bouquinistes du Sénégal) dirigée par des intellectuels (bacheliers et même licenciés). Nous voulons donc réorganiser le secteur », explique Saliou Diop dit Zale Darou. Il y a aussi une prise de conscience des parents d’élèves, précise pour sa part Badara Niang, secrétaire général adjoint de l’association, qui affiche par ailleurs une certaine éthique. « Chaque année, à la fermeture des classes, se tient une foire aux livres dans certains établissements. Nous achetons à moitié prix, jamais en dessous, pour revendre avec un maximum de 1 000 F CFA de bénéfice. Dès fois moins. »
Il nous arrive aussi de faire dans le social, dira Zale. « Nous connaissons les réalités du pays et il y a souvent, dans la clientèle, des parents, des voisins, des amis. Il nous arrive même de vendre à crédit. Et le recouvrement peut durer des mois, voir même ne jamais se faire. » Donc un métier ingrat ? « Non ! Répond-il. Franchement, nous nous en sortons et ce serait vraiment faux et injuste de prétendre le contraire. » Le problème, ajoutera-t-il est que « la période faste ne dure généralement pas plus de deux mois. Le reste du temps, c’est la période des vaches maigres ». Mais ne croyez pas qu’il s’agisse uniquement de vente. « Il y a également le système de troc ou d’échange », dira Badara Niang. Plus qu’un simple commerce, les librairies « par terre » ont une véritable dimension sociale dont personne ne saurait se plaindre. Sauf les librairies classiques.