La libéralisation du secteur des télécommunications, engagée depuis quelques années en Afrique pour répondre aux nouvelles exigences de la mondialisation, mais aussi pour permettre un développement des Technologies de l’information et de la communication (TIC) et leur accès facile aux populations défavorisées, n’a pas encore apporté les changements attendus.
Il y a encore beaucoup de chose à faire et à parfaire dans ce secteur en Afrique, ont constaté des experts lors de la réunion à Dakar (du 29 mai au 02 juin derniers) par le Réseau de recherche RIA sur l’accès, l’utilisation et la promotion des Technologies de l’information et de la communication (TIC) en Afrique.
Selon les participants (venus de 11 pays) à cette rencontre
organisée avec le soutien du Centre de recherche pour le
développement international (CRDI), non seulement les Etats du continent ne font pas de recherche en matière des TIC, mais ils ne soutiennent pas un renouvellement de la connaissance et des capacités des différents responsables des instances nationales de régulation des télécommunications.
La conséquence aujourd’hui est l’incapacité de ces agences à pouvoir assurer une régulation avérée qui permet l’accès universel et limite la concurrence déloyale.
« L’environnement des télécommunications est essentiellement
turbulent, les choses vont tellement vite que les structures qui ont été mises sur pied dans certains pays, un peu à la hâte, ne sont pas tout à fait à la hauteur des défis et des enjeux », souligne le chef de département des TIC à l’Ecole supérieure des sciences et techniques de l’information et de la communication du Cameroun (ESSTIC), Olivier Nana Nzepa.
« Lorsqu’on avait mis sur pied ces agences de régulation, il y avait encore une dichotomie relativement évidente entre le mobile et le fixe. Aujourd’hui, on voit toute une génération de nouvelles technologies qui ont fait leur apparition et qui rendent cette démarcation floue, ce qui complique la tâche à ces agences », a-t-il ajouté.
L’ART sénégalaise ne joue pas son rôle
« Au Sénégal, il y a de gros problèmes en suspens dans le secteur malgré le cadre institutionnel mis en place, avec notamment la création d’une Agence de régulation, qui est indépendante du ministère de tutelle avec pour mandat normalement d’organiser une concurrence saine et loyale sur le marché », explique Olivier Sagna, Secrétaire général d’OSIRIS (Observatoire des systèmes d’information, les réseaux et les info-routes au Sénégal) et enseignant à
l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar (UCAD).
En effet, l’Agence nationale sénégalaise de régulation des
télécommunications (ART) qui devait aussi encourager une baisse des tarifs pour les consommateurs, une amélioration de la qualité des services et une gestion des problèmes importants comme l’accès universel, notamment l’accès aux services dans les zones rurales ne joue pas son rôle, assure M. Sagna. « Pour l’essentiel ces problèmes sont restés intacts », assure-t-il.
D’un autre côté, l’Agence camerounaise de régulation des
télécommunications mise en place depuis quatre ans peine aussi à jouer son rôle, laissant les privés à eux-mêmes.
« Cette Agence est composée uniquement du Président de conseil d’administration, du directeur général et son adjoint. Par rapport à l’immensité des choses à faire et surtout à l’importance de son cahier de charges, il reste évident que trois personnes ne peuvent pas suffire à la tâche », estime M. Nana Nzepa.
Un besoin de ressources humaines
Pour pouvoir être en phase avec le développement des
télécommunications et assurer une régulation convenable, les responsables des agences nationales de régulation doivent exprimer clairement leurs besoins et priorités pour les faire prendre en charge par les autorités étatiques, conseille la réunion du RIA.
« Il faut aussi avoir les ressources humaines tout à fait capables pour pouvoir faire le travail et avoir un département de recherche-développement assez costaud dans ces structures. Cela veut dire avoir des moyens conséquents, dans le cas contraire penser à des partenariats stratégiques. Et c’est là où un réseau comme le RIA intervient », indique un participant.
Les travaux de Dakar, qui ont passé en revue les nouvelles avancées notées dans le secteur des Technologies de l’information et de la communication en Afrique, se sont également appesantis sur la ,question de l’accès des populations aux TIC, notamment les couches populaires.
Les agences de régulation doivent retrouver leur place
Selon le « Bilan de fonctionnement du secteur des TIC dans 20 pays africains », présenté par les membres du RIA – venus d’Afrique du Sud, pays où le Réseau a été créé en 2003 et regroupant au départ des membres anglophones – les objectifs des Etats n’ont pas été jusqu’ici atteints. La marginalisation reste toujours grande dans l’accès aux services entre les différentes couches.
« Alors qu’un grand nombre de personnes est exclu des services simplement par faute d’accès, d’autres sont laissés en rade à cause du coût élevé des services qui sont de plus en plus complexes, en l’absence de compétences requises », indique le rapport remis aux membres du RIA et des responsables des structures de régulation invités aux travaux.
« Le service le plus limité, c’est l’Internet pour lequel la
demande s’est avérée faible, surtout à cause des insatisfactions liées au manque de fiabilité, dû à la pauvreté de la qualité du réseau ou de la largeur de bande, mais aussi du coût élevé ou même du nombre réduit de personnes sur le réseau », ajoute le document, qui se base sur une étude faite sur la demande et l’accès aux TIC pour 700.000 personnes dans près de 15.000 ménages, en 2004, dans les milieux ruraux, urbains et métropolitains.
Permettre un accès à tout le monde et à moindre coût passe par le développement de partenariats, notamment avec les fournisseurs d’électricité qui peuvent être d’un apport important, car disposant de l’infrastructure nécessaire à la création de réseaux immenses, pour le transport de textes, de voix, d’images, etc.
Dans ce cadre, selon le réseau RIA, les agences de régulation doivent retrouver leur place pour éviter une autorégulation du secteur par les privés, au détriment des consommateurs.