En doublant en un an son audience en Ile-de-France, Radio Orient se taille la part du lion sur les ondes des médias communautaires. Forte de plus de 105 000 auditeurs par jour, la radio ambitionne de devenir, en France, la référence sur les grandes questions du monde arabe. Fouad Naim, son directeur général, s’appuie sur un traitement exhaustif et objectif de l’information pour développer une notoriété en plein essor. Interview.
Plus 100% d’auditeurs en un an. Les résultats du dernier sondage Médiamétrie sont impressionnants pour Radio Orient. Créditée de 1,6% d’audience cumulée en septembre-décembre 2003, elle s’inscrit, et de loin, comme la première radio communautaire de France. Avec plus de 105 000 auditeurs quotidien, elle devance Beur FM (0,9%) et France Maghreb (0,3%). Des résultats qui, pour le directeur général de Radio Orient, s’expliquent par la conjonction d’un travail de rigueur et d’objectivité et l’importante actualité du monde arabe. L’objectif final de Fouad Naim : être un support d’information complémentaire aux grandes radios françaises.
Afrik : Comment expliquez-vous le doublement de votre audience en un an ?
Fouad Naim: Nous continuons à faire ce que nous avons toujours fait, mais en mieux. Nous avons gagné en crédibilité pour la rigueur et l’objectivité de l’information que nous traitons. Il y a aussi le fait que nous ayons changé notre grille il y a deux ans sur un constat : 98 % de nos auditeurs français d’origine arabe viennent du Maghreb et plus de 50 % ne parlent plus l’arabe. Nous avons donc augmenté la part de nos programmes en français pour la porter à 35-40%. Le travail, initié avant mon arrivée au sein de la radio, porte aujourd’hui ses fruits.
Afrik : Les très bons résultats d’audience ne s’expliquent-ils pas également par l’actualité du monde arabe qui occupe particulièrement le devant de la scène ces deux dernières années ?
Fouad Naim: Il est vrai qu’il y a une convergence entre nos nouvelles orientations et l’actualité du monde arabe. Certains gros dossiers ont aujourd’hui acquis une dimension internationale, comme l’Irak ou la Palestine.
Afrik : Comment traitez-vous justement l’information des dossiers brûlants, tels que l’affaire du voile en France ou la Palestine ?
Fouad Naim: Nous évitons de faire des émissions interactives sur les dossiers à caractère sensible. Nous optons pour un traitement de l’information impartial et exhaustif. Sans parti pris. Dans les règles déontologiques journalistiques. J’ai été 20 ans journaliste à l’Agence France Presse, j’y ai notamment appris à faire abstraction de tout militantisme personnel. Et j’essaie de rendre cet état d’esprit dominant dans la radio. A la lumière de nos actuels résultats, on constate à terme que ces choix s’avèrent payants.
Afrik : En tant qu’organe de presse indépendant, la radio a-t-elle déjà reçu des menaces ou subi des pressions ?
Fouad Naim: Cela fait un peu plus de deux ans que je suis à la radio et cela n’a jamais été le cas. Nous n’avons pas de relations avec les Etats. Il arrive seulement que ceux-ci, par le biais de leur ambassade, se plaignent du fait que nous aurions donné plus la parole aux opposants, mais c’est tout.
Afrik : Vous avez doublé votre audience en an. Quels sont aujourd’hui vos objectifs de développement ?
Fouad Naim: D’une part, avoir plus de fréquences. D’autre part, fidéliser notre nouvelle audience pour maintenir le cap grâce à des programmes spécialisés et un travail de communication. A terme, nous avons l’ambition de devenir un média complémentaire des médias franco-français sur les dossiers du monde arabe. Que se soit en culture, en économie ou en politique. Pour que les gens qui veulent en savoir plus viennent chez nous.
Afrik : Estimez-vous avoir des concurrents ?
Fouad Naim: Sans être prétentieux, non. Du moins pas concernant les grands médias français. Et c’est très bien comme ça. Nous ne voulons pas être RTL ou NRJ. Nous avons la même audience que France Culture, qui s’adresse aux auditeurs intéressés par la culture. Nous souhaitons être la référence pour ceux qui souhaitent en savoir plus sur le monde arabe.
Afrik : Que pensez-vous du traitement des grands dossiers du monde arabe par les médias français ?
Fouad Naim: Je trouve le traitement très souvent partiel. Je n’ai pas dit partial. Partiel, parce que le public est plus intéressé par les dossiers de proximité. Or, des dossiers comme l’Irak ou la Palestine ne supportent pas la réduction. Il est important de mettre à chaque fois l’information dans un cadre plus général. Nous le faisons car nous avons le temps de le faire. Ce qui n’est pas le cas des médias franco-français. Ils consacreront par exemple les 4/5è de leur temps aux résultats des élections régionales et cantonales alors que nous allons consacrer les 4/5è de notre temps à l’assassinat de Cheikh Yassine (le fondateur du Hamas, tué lundi à Ghaza à l’issue d’un raid aérien de l’armée israélienne, ndlr).
Afrik : Vous faites la différence entre partiel et partial. Mais le fait d’être partiel n’est-il pas une forme de partialité ?
Fouad Naim: Oui, mais pas volontaire. Du moins, il convient ici d’accorder le bénéfice du doute.
Afrik : Vous êtes également présents sur Internet. Est-ce pour vous une simple vitrine ou un support complémentaire à la radio ?
Fouad Naim: L’Internet est un support tout à fait complémentaire. Nous sommes d’ailleurs en train de réaménager notre site. Nos statistiques de janvier affichent 162 251 connections sur le site pour écouter la radio en ligne. Et la durée moyenne d’écoute est de vingt-six minutes. Au delà du Net, nous sommes également disponibles sur satellite (Hotbird, ndlr).