Les autorités sénégalaises menacent la Rencontre africaine de défense des droits de l’homme, jugée partisane, de lui retirer son statut d’observateur électoral pour les présidentielles de l’année prochaine.
Le bras de fer se poursuit entre la présidence sénégalaise et la Rencontre africaine de défense des droits de l’homme (Raddho). À la pointe du combat mené par les partis d’opposition et de nombreuses organisations de la société civile contre un troisième mandat d’Abdoulaye Wade jugé « anticonstitutionnel », l’ONG panafricaine basée à Dakar pourrait perdre son statut d’observateur électoral à l’approche des présidentielles prévues en février 2012.
« Il est hors de question que la Raddho soit observateur, a ainsi déclaré Serigne Mbacké Ndiaye, porte-parole de la Présidence, mardi lors d’une rencontre avec la presse. La Raddho mène un combat contre le pouvoir d’un côté et de l’autre dit : « je veux être observateur », c’est inacceptable ! ». Pour la Présidence, qui se dit prête à « tout faire » pour retirer son statut d’observateur à l’association de défense des droits de l’homme, « les règles du jeu doivent être respectées et il faut des gens neutres pour assurer la supervision du scrutin ».
Jugée partisane par la présidence, la Raddho sort-elle de son rôle en s’engageant ouvertement contre la candidature du « vieux » ? Créé suite aux émeutes du 23 juin dernier, le M23, qui regroupe une soixantaine de partis politiques et d’organisations de la société civile dont la Raddho et les jeunes de Y en a marre, a lancé un ultimatum au président Wade, 86 ans, en lui donnant jusqu’à la fin du mois d’octobre pour annoncer officiellement qu’il renonce à briguer un troisième mandat. Autrement, le mouvement menace de multiplier les manifestations de rue.
« Aucune perturbation ne sera tolérée »
« On ne peut pas retirer une candidature qui n’a pas encore été déposée » au Conseil constitutionnel, rétorque le porte-parole de la présidence. « Le président de la République est garant de l’ordre et de la sécurité et aucune perturbation ne sera tolérée », avertit Serigne Mbacké Ndiaye.
Blessé lors des émeutes du 23 juin, Alioune Tine, le président de la Raddho avait accusé ses agresseurs d’être « des nervis de Farba Senghor », le chargé de propagande du Parti démocratique sénégalais (PDS, au pouvoir). Aujourd’hui porte-parole du M23, l’homme est clairement dans le collimateur des autorités sénégalaises et expose la Raddho aux foudres du régime. Cette organisation panafricaine supervise les élections sur le continent depuis 1993.
Alioune Tine, le président de la Raddho, considère pour sa part que son ONG reste dans son cadre d’action habituel et qu’elle mène au Sénégal le combat qu’elle a toujours mené partout ailleurs. « Nous sommes dans notre rôle !, lance-t-il. Nous, nous nous battons pour mettre un terme définitif à l’instrumentalisation et aux manipulations de la Constitution en Afrique, avec pour seul objectif, de conserver le pouvoir et de partager les ressources avec un camp présidentiel et également la famille politique. Si nous réussissons ce combat au Sénégal, ça va faire boule de neige sur le continent africain. » Selon lui, les autorités ne pourront pas empêcher la Raddho de superviser la prochaine élection présidentielle. Après la trêve, imposée par le mois du ramadan et la saison des pluies, le combat politique reprend ses droits au Sénégal.
Voir le site de la Raddho