Personne ne peut renier le rôle du Maroc dans le développement des technologies hydrauliques agricoles et des systèmes de distribution collective de l’eau en Andalousie. L’histoire le prouve et démontre l’ingéniosité des systèmes des Khettara au Maroc dans le drainage des eaux souterraines. Tout cela représente un savoir-faire ancestral qui constitue un véritable patrimoine immatériel dont les Marocains sont fiers.
Le Maroc ne se limite pas à raconter des pages de son histoire, il continue à en écrire de nouvelles. En effet, pour permettre aux Marocains de bénéficier en continuité de l’eau potable, le pays exploite actuellement d’importantes infrastructures hydrauliques, notamment 149 barrages qui forment une capacité globale supérieure à 19 milliards de mètres cubes, sans oublier les huit stations de dessalement d’eau de mer qui s’ajoutent à celle d’Agadir lancée dernièrement et qui produit 400 000 m³ par jour. Ces infrastructures vitales, en plus des milliers de puits d’extraction des eaux souterraines, permettent aussi de répondre à d’autres besoins hydriques primordiaux comme l’agriculture et l’industrie.
Cependant, tout le monde parle aujourd’hui de l’ampleur des changements climatiques rapides qui menacent notre région par le stress hydrique. En effet, en 1960, un volume de 2 000 m³ était disponible au Maroc pour chaque habitant alors qu’aujourd’hui moins de 600 m³ est disponible pour chaque Marocain. Notre pays doit aussi faire face à l’envasement des barrages surtout que c’est un problème qui s’accentue de plus en plus à cause de l’incessant phénomène naturel de l’érosion. En plus, le Maroc peine à effectuer des opérations de dragage difficiles ou des surélévations coûteuses à tous ses barrages et doit malheureusement accepter la perte de 18 millions de mètres cubes par année de l’ensemble des capacités de ses barrages.
Notre pays compte alors construire d’ici 2030 une vingtaine de stations de dessalement d’eau de mer. L’irrigation au Maroc pourra aussi profiter d’autres ressources en eau non conventionnelles grâce aux stations de traitement d’eaux usées. En plus, d’autres projets de grands et moyens nouveaux barrages et lacs collinaires verront le jour pour pouvoir exploiter efficacement toutes les ressources hydriques du pays surtout celles du Nord-Ouest où les pluies annuelles estimées peuvent dépasser les 1 400 mm. Les barrages et lacs collinaires, malgré leurs retenues modestes, luttent contre le phénomène de l’envasement des grands barrages et représentent aussi une méthode ingénieuse pour mieux contrôler les flux d’eau.
Nous savons tous que le problème qui persiste au Maroc est l’alimentation en eau des régions en stress hydrique et qui ne pourront malheureusement pas bénéficier des projets de stations de dessalement d’eau de mer puisque ces régions sont situées loin du littoral. En conséquence, l’idée que notre pays pourrait développer est de relier les barrages existants et les stations de dessalement d’eau de mer par un grand canal qui permettra d’alimenter les régions de l’intérieur du pays. Ce sera certes un projet colossal mais le Maroc a l’audace et le savoir-faire pour réaliser des projets aussi grands et même plus importants que le prochain tunnel qui reliera le Maroc à l’Espagne.
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L’exemple à suivre dans ce projet sera sans doute la Chine qui possède le fameux Grand Canal. C’est la plus grande rivière artificielle du monde qui est opérationnelle jusqu’à nos jours et longue de 1 794 km et dont l’histoire remonte au Vième siècle. Et c’est un patrimoine mondial de l’UNESCO que nos voisins Libyens ont pu courageusement reproduire. La Libye a pu construire et aménager avant nous une grande rivière artificielle qui traverse le désert libyen de part en part afin de pomper les eaux de ses nappes aquifères. Cependant, une rivière artificielle est un projet plus utile pour nous que pour nos voisins libyens puisque les eaux du bassin de Nubie sont non renouvelables alors que les infrastructures déjà établies au Maroc donnent accès à des ressources en eau renouvelables naturellement. Le Maroc ne risquera pas alors de regretter au futur d’avoir trop investi dans un aussi grand chantier. En plus, notre pays ne doit surtout pas attendre qu’un pays européen moins touché par le stress hydrique réalise un projet similaire pour en prendre un modèle ou que l’Égypte réussisse à reproduire le mythique canal des pharaons aux bords du Nil pour avoir le courage de lancer notre projet de rivière artificielle.
Il faudrait aussi s’attendre à ce que nos ingénieurs marocains démontrent un savoir-faire équivalent ou supérieur aux chinois pour rendre ce projet fondamental aussi rentable que possible puisque, contrairement à la Libye, notre pays ne dispose pas de suffisamment de ressources en hydrocarbures. En effet, pour réussir ce grand projet, il faudra inventer des solutions de pompage et d’acheminement d’eau efficaces et rentables pour relier nos grands barrages et bassins d’eau tout en respectant les obligations environnementales promises par le Maroc. Pourrons-nous alors voir notre pays se doter au futur d’un nouveau Grand Canal qui compte entièrement sur les énergies renouvelables dont le Maroc est aujourd’hui un pionnier à l’échelle mondiale ?
Par Akram Louiz Auteur, poète et lieutenant de la marine marchande.