La presse francophone en conclave à Alger


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Du 3 au 5 mai sont organisées à Alger, par l’Union des Journalistes Algériens et l’Union Internationale des Journalistes et de la Presse de Langue Française les quatrièmes journées de la Presse Arabe Francophone, autour d’un thème central pour la presse d’Afrique et du Maghreb :  » Liberté de la presse et responsabilité du journaliste « .

Le hasard a voulu que plusieurs faits récents viennent donner à ce thème une actualité particulière : en témoigne par exemple la vigueur de la dénonciation par l’UDA et l’UIJPLF du sort du journaliste Taoufik Ben Brik en grève de la faim pour protester contre les entraves mises par le régime tunisien à l’exercice de son métier. Toute la presse algérienne a d’ailleurs pris fait et cause pour Ben Brik, y consacrant ses Unes…

Mais la pression politique n’est pas toujours aussi explicite : il existe d’autres moyens de museler la presse, en particulier économiques, lorsque les marchés publicitaires sont étroits et essentiellement contrôlés par l’Etat, ou lorsque les tarifs des imprimeries, nationales, sont fixés sans concurrence possible et de manière arbitraire… Et l’Algérie n’a pas toujours été exemplaire dans ce domaine, comme peuvent en témoigner de nombreux responsables de presse…

le prix du sang

Par ailleurs, l’intimidation des journalistes par la violence n’est pas toujours le fait de la puissance publique : 101 journalistes et employés de presse algériens ont payé de leur sang leur conception de la liberté d’expression, au cours des dix années de guerre civile larvée menée par les islamistes. Le fait que le pays commence à relever la tête et s’oriente aujourd’hui vers une plus large liberté d’expression ne doit pas faire oublier ce calvaire des médias algériens.

Pourtant les nouvelles perspectives ouvertes par les divers responsables présents, à commencer par le Ministre de la Culture et de la Communication, Abdelmadjid Tebboune, semblent prometteuses : a ainsi été évoquée la création d’un organisme de régulation indépendant qui serait en charge d’attribuer des fréquences à des radios privées et à des radios locales, en veillant à ce qu’elle remplissent un cahier des charges défini lors de leur autorisation.

Ces déclarations faisaient d’ailleurs écho à celles des responsables marocains, lors du FORCOM 2000 de Rabat en mars dernier, et à nouveau lors de la conférence de la COPEAM à Casablanca les 26 et 27 avril, qui parlaient eux aussi d’un objectif d’ouverture régulée sur secteur audiovisuel…

A quand une mise en pratique de toutes ces bonnes paroles ?

Tous les observateurs se sont rejoints pour constater que dans tout le Maghreb les antennes paraboliques ont rendu vaines désormais toute tentation autarcique : les Algériens, les Marocains, les Tunisiens, les Egyptiens ont aujourd’hui une vision large de ce qui se passe hors de leurs frontières, et de ce qui s’y exprime à propos de leur propre pays.

La mondialisation de la communication, c’est aussi cette nouvelle distanciation, qui permet à chacun de se voir dans le regard des autres. Ce n’est pas toujours agréable, mais c’est plein d’enseignements. Le geste quasiment suicidaire de Taoufik Ben Brik n’aurait pas de sens, s’il n’avait cette certitude que le regard porté sur lui depuis l’étranger est connu de ses compatriotes, quoi qu’écrive la presse tunisienne…

La responsabilité des journalistes, c’est alors aussi celle de témoigner, contre vents et marées, contre l’arbitraire et pour la liberté de l’information. Tel fut peut-être le sentiment dominant qui se dégagea des réflexions exprimées lors de cette première journée de la Presse Francophone, ouverte par Hervé Bourges par une formule toute simple : « Aujourd’hui, la diffusion de l’information ignore les frontières. Il est temps que tous les gouvernants du monde en prennent conscience. « 

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