La presse africaine est-elle enfin libre ?


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L’exercice du journalisme semble être un véritable casus belli sur le continent, pour ceux qui ont vocation à suivre la filière. Les assassinats, les emprisonnements, les intimidations, les fermetures administratives ou judiciaires des organes de presse, les amendes qui mettent à mal la trésorerie…sont le lot réservé à bon nombre de journalistes. Surtout, dans les pays ou la liberté de la presse et la liberté d’expression n’ont pas de sens pour les autorités et même pour les citoyens qui ne supportent pas la critique, la contradiction, l’honnêteté et la défense de l’intérêt général.

L’absence de sanctions pour les atteintes aux libertés fondamentales reconnues par les constitutions met en danger permanent les journalistes et les défenseurs des droits humains. Il arrive que les dirigeants soient les donneurs d’ordres ou complices de ces spadassins qui assassinent ou mettent volontairement les bâtons dans les roues de la presse.

Au Congo Brazzaville, les assassins du journaliste franco-congolais du média en ligne Mwinda, Bruno Jacquet Ossebi, ou encore du directeur du Tam-Tam, Joseph Ngouala, ne sont pas recherchés. Et, le Conseil Supérieur de la Liberté de Communication semble être un instrument de censure qui parfois s’autorise à brasser du vent. Au Burkina Faso, ceux qui ont exécuté Norbert Zongo n’ont toujours pas été inquiétés.

En Érythrée, les autorités refusent même de dire si les détenus sont vivants ou morts et certains journalistes sont détenus dans le sinistre pénitencier de l’île de Dahlak Kébir. Au Cameroun, le panthéon des chevaliers de la plume compte, entre autres, Germain Cyril Ngota, rédacteur en chef de Cameroun Express, décédé en avril 2010, à la prison de Yaoundé Kondengui.

Jean-Léonard Rugambage, journaliste rwandais du bimensuel Umuvugizi, a payé de sa personne en voulant enquêter sur la tentative d’assassinat manqué du général Faustin Kayumba Nyamwasa. Au Nigeria, Edo Sule Ugbagwu de La Nation, Nathan Dabak, Bayo Ohu et Dimanche Bwede ont été assassinés…

Pour ceux qui sont en détention, les prisons sont souvent secrètes et les autorités refusent de communiquer les informations concernant les lieux d’emprisonnement, l’état de santé ou le statut des journalistes détenus souvent depuis plusieurs années. Le Comité pour la Protection des Journalistes note habituellement que les allégations d’atteintes à la Sûreté nationale comme la subversion, la divulgation des secrets d’État, les actes contre les intérêts nationaux, ainsi que les outrages à chef d’État sont les accusations communément utilisées pour justifier le bâillonnement des médias.

A dire vrai, en République Démocratique du Congo, aucun progrès n’a été noté pour retrouver les meurtriers du journaliste d’investigation Didace Namujimbo, qui travaillait pour Radio Okapi, à l’Est du pays. Les assassinats ou tentatives d’assassinats à l’instar de celles sur la personne d’Albert Kambale Muyisa, correspondant de l’Agence France Presse, sont courantes. La RD Congo, par exemple, comptait jusqu’à peu, au moins neuf services de sécurité qui, tous, s’en prennent aux journalistes. Il s’agit de l’Agence nationale de renseignements, des Services spéciaux de la police, de l’Inspection de la police des parquets, du Groupe spéciale de la sécurité présidentielle, du Comité de la sécurité d’État, de la Police d’intervention rapide, de la Détection militaire des activités anti-patrie, de l’Agence de la sécurité des aéroports, de l’Inspection provinciale de Kinshasa…

Dans bon nombre de pays, principalement du Maghreb à l’Afrique centrale, l’audiovisuel public est une véritable chasse gardée du pouvoir au service exclusif de ce dernier et de ses affidés, et pour les médias privés, c’est généralement le goulag ou l’allégeance. Néanmoins, quelques uns s’en sortent en mettant en pratique la sagesse divine qui déclare : Que ma langue soit comme la plume d’un habile écrivain.

Si dans les pays anglophones, l’heure est davantage à la dépénalisation des délits de presse, ailleurs, on durcit la législation au point qu’il faille être vraiment fou pour exercer la profession de journaliste. D’ailleurs, le Comité pour la Protection des Journalistes souligne annuellement dans son rapport qu’en Afrique subsaharienne, les deux tiers des journalistes sont emprisonnés sans inculpation. Et, Reporters sans frontières qui dresse souvent un état apocalyptique de la condition de cette activité dans ses rapports, demande sans cesse aux pouvoirs publics de garantir la liberté d’expression des professionnels de l’information en toute sécurité, à l’abri des menaces et des intimidations.

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