La Présidentielle ratée des Maliens de France


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Alors qu’officiellement on défend becs et ongles que les élections maliennes se sont partout bien déroulées, c’est loin d’être le cas en France, où de nombreux Maliens n’ont pas pu voter. La pagaille a vite pris le dessus entre les bureaux de vote fermés, les cartes d’électeurs qui n’ont pas été délivrées à temps… Des tracas qui en ont découragé plus d’un, notamment dans les foyers. Reportage.

La Présidentielle a un goût bien amer pour ces dizaines de Maliens retraités. Assis sur un banc de ce foyer, dans la banlieue française de Saint-Denis, le désarroi et la déception sont palpables sur les visages. Ici, la majorité n’a pas pu voter en raison de la cacophonie qui a régné dans les différents bureaux de vote. Au moins 90% des électeurs n’auraient pas reçu leur carte, selon le collectif des Maliens de France. Rien ne s’est déroulé comme prévu, donc. « Ici, sur les 1 000 Maliens résidant au foyer, seuls deux personnes ont voté, c’est inadmissible!», s’insurge Fofana, les bras levés en l’air. Comme nombre de ses compatriotes, le retraité né en 1939, vêtu d’un pantalon pince noir, assorti d’un tee-shirt noir, s’est inscrit sur les listes électorales, mais n’a pas reçu sa carte d’électeur Nina. Il est sidéré par le manque d’organisation du scrutin en France. « Depuis que j’ai commencé à voter, je n’ai jamais vu ça ! Lors de toutes les Présidentielles précédentes, ça s’est toujours bien passé. C’est la première fois qu’on fait face à un problème pareil. Partout, les élections se sont bien déroulées sauf en France!»

Honte…

En entendant les cris de Fofana fou de rage, Dembélé, chapelet en main, qui vient de terminer sa prière, s’approche du groupe en plein débat sur le scrutin. En quelques mots, un de ses compatriotes lui explique en Bambara l’objet des discussions. Et lui aussi, comme la majorité de ses concitoyens, n’a pas échappé à la mésaventure provoquée par le vote. Il sort de son portefeuille son récépissé avec lequel il était censé retirer sa carte d’électeur Nina. « Je n’ai toujours pas obtenu la carte. Quand je suis allé au Consulat, on m’a dit qu’elle n’était pas encore prête. J’ai essayé quand-même d’aller voter avec seulement le récépissé et ma carte d’identité, ils ont refusé. J’ai honte d’être Malien, vous ne pouvez pas savoir à quel point », déplore le vieil homme qui arbore une écharpe aux couleurs rouge et blanche, sur son cou. En face de lui, Cissé hoche la tête. L’air désespéré. Lui, son bureau de vote se trouvait à Corbeil Essone, alors qu’il réside à Saint-Denis. « C’est absurde », dit-il.

« C’est comme si on n’existait pas !»

A quelques métros plus loin, les mésaventures des résidents du célèbre foyer de Montreuil Bara, sont tout aussi rocambolesques que celles de leurs compatriotes. A l’entrée, des dizaines de marchands à la sauvette de cacahuètes, cartes téléphoniques, chaussures, vêtements, ceintures, tentent d’attirer leurs clients qu’ils taquinent tantôt en bambara, tantôt en soninké. Sur 800 résidents, seuls 22 ont reçu leur carte électorale. Et même ceux qui ont reçu leur carte pour voter n’ont parfois pas pu le faire, assure-t-on. Pour certains, la Présidentielle semble n’avoir jamais existé. « On n’est pas au courant de ça. Nous, c’est comme si on n’existe pas », lance Sissoko qui fait la moue. Le bureau où devait voter le cinquantenaire qui porte un bonnet à rayure assorti d’une chemine bleu ciel, était à Nantes, alors qu’il vit dans ce foyer depuis 1991. « Nantes c’est où même?, demande-t-il l’air désabusé. Moi j’ai reçu ma carte électorale, mais je n’ai pas été voter. On m’envoie à perpette dans un endroit lointain, alors que je peux voter près de Montreuil! Pourquoi j’irai voter? » « Et moi j’ai été plus de 1 000 fois au Consulat, ils ne m’ont pas donné ma carte électorale», fustige un autre de ses concitoyens, debout près de lui.

«Même moi qui supervise à la Ceni, je n’ai pas pu voter…»

Même son de cloche à quelques minutes plus loin, au foyer Léopold Sédar Senghor du 13ème Arrondissement de Paris, où les entrées et sorties des résidents vont bon train. « Moi je me suis inscrit depuis 2009, mais je n’ai pas reçu ma carte d’électeur comme beaucoup d’autres au sein du foyer », raconte d’une voix posée Seidou, assis sur une marche de l’escalier à l’entrée, près de trois autres résidents du foyer. Tant de plaintes qui agacent Diabaté, l’un des représentants de la Commission nationale électorale à Paris, chargé de veiller au bon déroulement des élections. « Il faut que les gens comprennent que cette élection a été organisée dans la précipitation, donc forcément, il fallait s’attendre à ce qu’il y ait des problèmes. Faut pas tout prendre à la lettre. Le scrutin était prématuré », explique-t-il. Il admet toutefois que beaucoup n’ont en effet pas retrouvé leur bureau de vote ni obtenu leur carte d’électeur. « Ils ont décidé de faire des élections, donc il faut les faire et respecter les lois en place. Moi-même qui supervise à la Ceni, je n’ai pas reçu ma carte d’électeur. Que voulez-vous? C’est comme ça.»

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