La présidentielle française vue d’Afrique


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Les Français iront voter dimanche prochain pour le premier tour des élections présidentielles. Qu’ont pensé les Africains de cette campagne présidentielle ? Qui sont leurs favoris ? Des confrères africains s’expriment au nom de leurs compatriotes.

 Thierry Ndong, rédacteur en chef, Le Messager (Cameroun)

Leur sentiment sur la campagne : C’est un sujet comme un autre qui ne suscite pas grande passion. Le premier tour n’est pas un évènement, nous attendons plutôt le second tour. Pour nous, notamment à la rédaction du Messager, cette campagne fait ressortir la crise du politique en France. Ce qui se caractérise, d’une part, par le fait que les thèmes chers à l’extrême-droite dominent cette campagne et, d’autre part, par ces instituts de sondage qui se positionnent en grands électeurs.

logo_messagerok.jpgLeurs favoris : Pour les Africains, en général, et les Camerounais, en particulier, Nicolas Sarkozy et Ségolène Royal sont les seuls à avoir montré qu’il y aurait une politique africaine de la France. Même si elle est différente de celle de Jacques Chirac.

 Fayçal Metaoui, rédacteur en chef, El Watan (Algérie)logo_elwatan-ok.jpg

Leur sentiment sur la campagne : Les Algériens suivent de près les présidentielles en France. Nous avons d’ici l’impression qu’il y a un encombrement. A gauche, comme à droite, les candidats semblent se bousculer. Les Algériens ont été très sensibles aux questions relatives à l’immigration. Quand Nicolas Sarkozy a avancé l’idée d’un ministère de l’Immigration et de l’Identité nationale, ils ont été surpris et ça leur a fait peur. La France donne le sentiment qu’elle veut se refermer sur elle-même. Nicolas Sarkozy est aussi celui qui ne veut pas d’un repentir de la France par rapport à son passé colonial alors que l’Algérie réclame des excuses officielles. On s’étonne aussi que les questions liées à la colonisation ne figurent pas dans le discours de Ségolène Royal, ce qui est inhabituel pour la gauche. En outre, les propos de Nicolas Sarkozy ressemblent férocement à ceux de Jean-Marie Le Pen dont la visite en banlieue nous a parue d’ailleurs hypocrite. D’habitude, la droite gaulliste ne chasse pas sur les terres de l’extrême-droite. Il y a aussi les propos islamophobes de Philippe de Villiers. Il donne l’impression que tous les musulmans sont venus harceler la France. Les Algériens s’inquiètent aussi de cet autre sentiment qui émane des discours d’Olivier Besancenot, de Villiers, encore lui, de Gérard Shivardi… Celui qui présente l’Europe comme un danger pour la France alors que l’Algérie la considère comme un partenaire économique de choix. Nous avons un accord d’association avec l’Union européenne. Tout cela nous inspire de la peur en Algérie. Nous sommes aussi surpris par cette idée de déclin de la France qui a traversé toute la campagne. Au contraire, pour l’Algérie, la France est une grande puissance. Pour finir, les Algériens retiendront que cette campagne présidentielle s’est plus focalisée sur la personnalité des candidats que leurs programmes, sur les questions intérieures que les relations internationales.

Leurs favoris : Habituellement, les Algériens préfèrent les candidats de gauche. Notre préférence va donc à Ségolène Royal, à défaut à François Bayrou. Nicolas Sarkozy fait peur parce qu’il ne semble pas sincère.

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 Salim Togola, rédacteur en chef de L’Essor (Mali)

Leur sentiment sur la campagne : Les Maliens ne se passionnent pas pour les présidentielles françaises parce qu’elles coïncident avec les élections locales. Les moins aimés sont bien évidemment Nicolas Sarkozy, Jean-Marie Le Pen et Philippe
de Villiers. L’immigration est au cœur des problèmes maliens, si l’un de ces trois candidats venait à diriger la France, ce serait un vrai problème pour les Maliens.

Leur favori : La sympathie des Maliens va plutôt à Ségolène Royal.

 Rachid Abbar, journaliste à Aujourd’hui Le Marocaujourd_hui.gif

Leur sentiment sur la campagne : Ce qui intéresse les Marocains, c’est le débat sur l’immigration. A l’instar de tous les pays dont beaucoup de ressortissants s’expatrient pour la France pour leurs études ou pour le travail, ils sont très sensibles à cette question. Nous avons été très surpris que Ségolène Royal dise qu’elle n’était pas pour les régularisations massives. Les Marocains se sont dits qu’elle copiait Sarkozy, qu’elle allait chercher des voix dans son électorat alors que lui-même essaie de séduire celui de Jean-Marie Le Pen. Cela a provoqué une certaine peur au Maroc. Si les lois sur l’immigration se durcissent, cela veut dire qu’il sera plus difficile de se rendre en France. Durant cette campagne française, on a aussi très peu parlé de relations internationales.

Leur favori : En dépit de tout, les gens préfèrent Ségolène Royal. Nicolas Sarkozy cache son jeu et c’est frustrant. Il avait parlé de critères objectifs pour les candidats à l’immigration. Pourtant, on compte parmi eux le fait de manifester son envie de vivre en France. Ce qui est laissé à l’appréciation du fonctionnaire. Il n’y a pas plus subjectif.

 Wilfried Léandre Houngbédji, journaliste à La Nation (Bénin)logo_nation-ok.jpg

Leur sentiment sur la campagne : Les Béninois s’intéressent malheureusement à la campagne française. Je dis « malheureusement » parce qu’ils n’y ont, à mon avis, aucun intérêt. Nous avons donc suivi cette campagne, mais par médias interposés. Nous nous sommes donc fait un avis au travers des commentaires de journalistes français. Il se dégage clairement un trio de tête : Sarkozy, Royal et Bayrou. Il est certain, d’une manière ou d’une autre, que ces élections représenteront un tournant dans la vie politique française. Soit la France verra à sa tête un fils d’immigré, qui soit dit en passant n’est pas très tendre avec ses semblables, soit elle passera à l’ère de la jupe. La France s’inscrirait ainsi dans l’air du temps, celui qui veut qu’Angela Merkel dirige l’Allemagne et que l’Américaine Nancy Pelosi préside la Chambre des représentants. On observe également qu’il n’y a pas eu de débats de fond sur les questions de société. A leur décharge, contrairement à notre pays, leur appartenance politique indique clairement leur orientation dans ce domaine. Je constate aussi qu’ils se sont peu intéressés aux Français de l’étranger, notamment ceux qui résident en Afrique. Il est vrai que Nicolas Sarkozy et Ségolène Royal se sont rendus en Afrique mais, il me semble, plus pour démontrer leur capacité à exister sur la scène internationale. Une crise internationale majeure pouvant justifier une candidature éventuelle de Jacques Chirac qui a su, notamment à propos de l’Irak, faire entendre la voix de la France.

Leur favori : Je ne m’attends pas à des miracles, mais j’ai une préférence pour Ségolène Royal. Elle a prouvé qu’elle était une véritable femme de gauche en allant spontanément consoler cet handicapé lors de l’émission J’ai une question à vous poser sur TF1. Nous nous demandons seulement, j’en discutais encore ce matin avec des amis, si les Français vont accepter de se faire materner, après le paternalisme dont Jacques Chirac a fait preuve à leur égard. Dimanche prochain, elle aura contre elle trois hommes de droite. Les résultats de Jean-Marie Le Pen et de François Bayrou, lors du premier tour, nous diront si elle a des chances de devenir la présidente de la France.

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