La politique d’immigration en France : une machine à tuer ?


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Le Malien Baba Traoré se serait jeté vendredi dans la Marne, pris de panique pendant un contrôle en gare de Joinville-le-Pont (Sud de Paris). Ce drame est survenu la veille d’importantes manifestations, samedi, contre la politique d’immigration du gouvernement français. Une politique qui, estiment plusieurs militants associatifs, pourrait provoquer d’autres gestes désespérés.

La chasse aux sans-papiers fait une nouvelle victime. Vendredi, Baba Traoré est contrôlé en gare de Joinville-le-Pont (Sud de Paris) par des agents de la Régie autonome des transports parisiens (RATP) accompagnés de policiers, selon Le Monde. Le titre de transport du Malien est valide mais il ne dispose pas de pièce d’identité attestant qu’il en est bien le titulaire. Les hommes en bleu lui demandent de les suivre pour vérifier son identité mais, se sachant sous le coup d’un arrêté préfectoral de reconduite à la frontière, Baba Traoré s’enfuit. Il aurait ensuite sauté dans la Marne, où la brigade fluviale récupère son corps. Le Service d’aide médicale urgente (Samu) parvient à le réanimer mais il succombe à une crise cardiaque sur le chemin de l’hôpital Lariboisière de Paris.

« Beaucoup préfèrent mourir ici que dans leur pays »

Le jeune homme de 29 ans était venu légalement en France en 2004 pour donner un rein à sa sœur Maïmouna, souffrant d’insuffisance rénale. Tous deux, dont le voyage avait été pris en charge par l’Etat français. « Depuis l’opération, Baba et sa sœur devaient se présenter tous les deux mois auprès du spécialiste qui les avait opérés, explique sur son site Benoît Willot, conseiller municipal de Joinville-le-Pont. C’est pourquoi tous les deux avaient demandé une prolongation de leur autorisation de séjour. Maïmouna a un titre renouvelé d’année en année. Par contre, Baba s’est vu opposer un refus, avant d’être l’objet d’un arrêté de reconduite à la frontière. »

Pour les militants en croisade contre la politique d’immigration de la France, qui prévoit d’expulser 28 000 clandestins en 2008, Baba Traoré est une énième victime de la « chasse » aux étrangers. On se souvient que quelques cas tragiques ont fait la Une de l’actualité. Yvan, un Russo-tchétchène de treize ans, est décédé à l’été 2007 alors qu’il tentait avec son père d’échapper à la police. En septembre, la Chinoise Chulan Zhang Liu est morte en se défénestrant à l’approche des policiers. Quant à l’athlète kenyan John Maïna, 19 ans, il s’est pendu en février en apprenant le rejet définitif de sa demande d’asile.

« Cela fait trente ans que je milite pour les droits des immigrés et le droit d’asile, confie Miguel Segui, qui s’est battu pour aider John Maïna. Je constate que, quel que soit le gouvernement au pouvoir, la pression monte. La politique du chiffre, avec les quotas d’expulsion, et le durcissement des méthodes de police sur consigne du pouvoir entraîne une peur massive et peut déstabiliser les gens. Ils peuvent alors avoir des gestes ultimes car beaucoup préfèrent mourir ici que dans leur pays dans des situations inhumaines. »

« On peut s’attendre à plus de victimes »

Miguel Segui constate une « multiplication » d’actes désespérés, ce que juge « indéniable » Jean-Michel Delarbre, représentant de la Ligue des droits de l’homme chez le Réseau Education Sans Frontières (RESF) : « Si la politique migratoire xénophobe du gouvernement ne change pas, il y aura de plus en plus de drames et de victimes, qui ne feront pas tous forcément la Une de l’actualité. Il faut d’ailleurs savoir qu’il y a des tentatives de suicide dans les centres de rétention et des gestes désespérés dans les avions de reconduite à la frontière ».

Du côté de la préfecture du Val-de-Marne, le département où est décédé Baba Traoré, les syndicats Alliance et Unsa disent ne pas avoir noté une augmentation des gestes de désespoir. Quant à la lecture des événements pouvant pousser les clandestins à commettre l’irréparable, l’analyse est différente. Un syndicaliste d’Unsa qui a souhaité garder l’anonymat concède ne pas savoir si la politique actuellement en place a une incidence, mais il concède que « seuls les étrangers et les clandestins sont respectueux de l’uniforme » et le craignent.

« Geste disproportionné par rapport au risque encouru »

Jean Montisci-Pierrard, secrétaire régional d’Alliance pour le Val-de-Marne, souligne pour sa part ne pas avoir de « statistiques » sur les accidents mortels mais qu’« heureusement ils sont exceptionnels et [qu’]il n’y a pas de hausse flagrante ». Il ajoute cependant ne pas comprendre que l’on en vienne à de telles extrémités. « Cela me paraît léger qu’il ait sauté à l’eau pour échapper à la police. Ce n’est pas dans la normalité de sauter à l’eau pour quelque chose de si peu grave [qu’un contrôle]. Le geste me paraît disproportionné par rapport au risque encouru, surtout qu’il n’aurait pas forcément été expulsé », indique le responsable syndical.

La police des polices est chargée d’enquêter sur les circonstances de la mort de Baba Traoré, pour qui une manifestation d’hommage a été organisée dimanche. Certains militants dénonçant la politique migratoire de la France attendront avec impatience ses conclusions. « Comme la famille, j’ai des doutes sur ce qui s’est vraiment passé. Baba Traoré a pu céder à l’affolement, mais il n’était pas dans une situation grave au point de se jeter dans l’eau glacée, lui qui n’aimait pas l’eau. Il avait d’ailleurs déjà été arrêté et cela c’était bien passé, il me semble », explique Jean-Michel Delarbre. L’activiste précise que la famille de Baba Traoré envisage de prendre un avocat pour non assistance en danger.

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