L’incendie qui a ravagé, dimanche, le Centre de Rétention Administrative de Vincennes, relance la question des conditions de vie des sans-papiers en attente d’une expulsion. Les réseaux d’aide aux immigrés clandestins dénoncent, à travers cet incident, une tension réelle et une politique d’immigration inadéquate. Les élus leur renvoient la balle, les accusant d’encourager l’embrasement.
Sous les cendres encore tièdes de l’incendie qui a embrasé le Centre de Rétention Administrative (CRA) de Vincennes, en banlieue parisienne ce week-end, la polémique enfle. Reflet des dérives prévisibles de la politique d’exclusion du gouvernement pour les uns, conséquence fâcheuse des provocations du milieu associatif pour d’autres, l’événement alimente le débat. Lundi, Frédéric Lefebvre, porte-parole de l’UMP, a accusé le collectif d’aide aux sans-papiers RESF (Réseau Education Sans Frontières) d’avoir attisé les rancœurs des clandestins en attente d’une expulsion et d’être indirectement à l’origine du dérapage qui a causé le départ du feu.
« Il n’est pas tolérable que des collectifs type RESF viennent faire des provocations aux abords de ces centres au risque de mettre en danger des étrangers retenus », a-t-il déclaré, lundi matin, dans un communiqué de presse, sous- entendant la responsabilité indirecte du réseau d’entraide. Il a demandé « la plus grande fermeté (…) y compris au plan judiciaire si la responsabilité de membres de collectifs comme RESF était avérée ». Jean-Jacques Piard, acteur du réseau citoyen, nous a informés que le collectif préparait sa réponse.
Une situation explosive depuis plusieurs mois
Rassemblés près du centre de Vincennes dimanche après-midi pour protester contre les conditions d’ enfermement des sans-papiers en attente d’exclusion. La violence entre les retenus et les policiers qui les surveillent est quotidienne, ils subissent brimades et humiliations », ajoute-t-il.
Excédés, certains détenus ont, en début d’après-midi, mis le feu à leur matelas. L’incendie s’est rapidement propagé à l’ensemble de la structure. Les pompiers, qui ont tardé à intervenir, ont finalement circonscrit les flammes en fin de journée. A l’origine de l’émeute, deux faits survenus dans le week-end. « Le décès, samedi, faute de soins nécessaires, d’un Tunisien de 41 ans, conjugué à la tentative de suicide d’un Egyptien qui savait qu’il allait être expulsé cette semaine, ont été très mal vécus, et ont mis “le feu aux poudres”», continue J-J Piard. Sur les 249 étrangers présents, 227 ont été transférés vers les centres de Palaiseau, Oissel, Lille et Nîmes (chiffres de la CIMADE [[Cimade : Comité Inter-Mouvements auprès des évacués, association œcuménique]]) 18 ont été hospitalisés suite à une intoxication due aux fumées, et 14 semblent avoir profité du désordre pour prendre la fuite. L’incendie n’a fait aucune victime.
Des réactions mitigées
Pour certains membres du gouvernement, il s’agit d’une conséquence de l’immigration irrégulière, ce qui justifierait davantage encore la mise en œuvre de la politique du chiffre et d’exclusion systématique. Cécile Duflot, la secrétaire nationale des Verts, dénonce : « Tous ceux qui ont pénétré dans ce centre ont témoigné des conditions de tension extrême dans lesquelles vivent les retenus ». Chez RESF, on voit dans la catastrophe de ce week-end « la conséquence directe de la vantardise de Brice Hortefeux au sujet de la majoration de 80% du nombre de renvois à la frontière », déjà dénoncée dans un communiqué du réseau. Le Mouvement contre le Racisme et pour l’Amitié entre les Peuples (MRAP) appelle à un rassemblement « Honte pour la République » ce mardi à 18h sur le site de Vincennes. Laurent Giovannoni, le secrétaire général de la Cimade, (seule association habilitée à être présente dans les CRA), dénonce la « non-conformité à la réglementation des conditions de rétention », provoquant des incidents à répétition et une situation impossible à gérer dans un centre de la taille de celui de Vincennes. L’association appelle, lundi, à la libération de toutes les personnes présentes au CRA de Vincennes « qui ont traversé une série d’événements traumatisants (…) en grande partie privées d’une possibilité réelle d’exercice de leurs droits », indique le communiqué.
Alliance, le syndicat de gardiens de la paix, a pointé du doigt le manque d’effectifs, et se demande si la surveillance des CRA relève bien d’une mission de police. Les gardiens de la paix ont aussi critiqué les membres des associations venus sur place pour « haranguer la foule » des sans-papiers. Le Front-National, dans un communiqué de Marine Le Pen, a profité de ces événements pour s’alarmer de ce que « La France et l’Europe sont désormais prises violemment d’assaut par tous ceux qui, poussés par les charlatans de la mondialisation heureuse, estiment qu’ils ont un droit inaliénable à s’installer où bon leur semble. »
Rappelons que depuis quelques semaines, l’Europe des 27 a adopté une nouvelle législation, qui fixe à 18 mois la durée maximum de détention dans ces centres. Si la France décide de s’aligner, l’embrasement n’est pas près de s’éteindre.
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