Le virus de la polio, pratiquement éradiqué d’Afrique, a fait sa réapparition dans une dizaine de pays du continent. L’Organisation mondiale de la santé a tiré la sonnette d’alarme, ce mardi, avertissant qu’une grave épidémie était à craindre si aucune mesure urgente n’était entreprise. L’OMS pointe du doigt l’Etat nigérian de Kano, qui a refusé de faire vacciner les enfants, et entend mener une grande campagne de vaccination pour limiter les dégâts.
La polio menace à nouveau l’Afrique. L’organisation mondiale de la santé (OMS) a lancé, ce mardi, un cri d’alarme pour signaler que le continent est menacé par la plus grave épidémie de poliomyélite qu’il ait connu ces dernières années. Le Dr David Heymann, l’expert des maladies infectieuses de l’OMS, estime d’ailleurs qu’« il n’y a aucun doute que le virus se répand à une vitesse alarmante ». La maladie, qui était pratiquement éradiquée de l’Afrique, a atteint une dizaine de pays à l’Ouest et au Centre. Selon l’OMS, c’est une souche du virus circulant dans le nord du Nigeria qui est en cause. L’Organisation prépare, pour l’automne prochain, une vaste campagne de vaccination dans 22 Etats pour limiter la propagation du mal paralysant, et parfois mortel.
La polio était presque éradiquée
En 1988, l’Initiative pour l’éradication de la polio (OMS, Rotary Club, l’Unicef et les Centres américains pour le contrôle et la prévention des maladies) s’était fixé comme objectif d’éradiquer la polio dans le monde d’ici 2004. Mais l’OMS estime que la résurgence de la maladie met sérieusement à mal les ambitions qu’elle s’était fixées. « Les épidémiologistes craignent une épidémie de grande ampleur d’ici la fin de l’année qui laisserait des milliers d’enfants paralysés à vie », explique le journal Témoignages.
Pourtant, la mission était presque réussie sur le continent africain. « Début 2003, il y avait seulement deux pays d’Afrique sub-saharienne où le virus de la polio était endémique (le Nigeria et le Niger. Dans le Maghreb, l’Egypte comptait un malade, ndlr). Aujourd’hui, cependant, l’Afrique concentre 90% du fardeau mondial de la polio, avec des enfants dans dix pays auparavant exempt de la maladie sur le continent », précise le communiqué de l’OMS publié mardi.
Au total, « dix Etats où la maladie était éradiquée comptent des cas importés de la polio : le Bénin, le Burkina Faso, le Cameroun, la République Centrafricaine, le Tchad, le Ghana, la Côte d’Ivoire, le Togo, le Botswana et le Soudan. Cela ne signifie pas que le virus est endémique dans ces pays, mais qu’un habitant, en voyageant dans un pays où la polio est endémique par exemple, a contaminé un enfant en rentrant chez lui », explique Oliver Rosenbauer, porte-parole de l’Initiative pour l’éradication de la polio.
Kano, source de la propagation
Ce qui a mis la puce à l’oreille de l’OMS sur la gravité de la situation, c’est le cas d’un enfant au Soudan retrouvé paralysé le 20 mai dernier à cause du virus de la polio. Aucun malade n’avait été rapporté depuis trois ans dans ce pays. Le virus qui a frappé la petite victime rappelle génétiquement la souche qui sévit dans le nord du Nigeria. L’Etat de Kano avait en effet suspendu, il y a un an, la vaccination des enfants, craignant une tentative déguisée de l’Occident de stériliser les musulmans.
Reconnaissant que Kano « reste au centre des premières manifestations de la maladie, les autorités fédérales et étatiques se sont employées à résoudre la controverse locale concernant la sûreté du vaccin contre la polio qui a conduit à la suspension des campagnes dans la région », explique le communiqué de l’OMS. Résultat : l’Etat a annoncé, en mai dernier, que les opérations d’immunisation recommenceraient bientôt. Mais le bilan est déjà lourd : « 197 enfants » sont paralysés rien qu’au Nigeria, selon les chiffres de l’OMS.
Les pays voisins sont susceptibles de connaître le même sort si une stratégie n’est pas rapidement adoptée. Et pour cause : moins de la moitié des enfants à risques sont vaccinés contre les maladies, y compris la polio. Ils sont donc, de fait, plus enclins à contracter le virus. Autre écueil : la nécessité d’agir avant l’automne car la saison des pluies est propice à la propagation du virus. « A cette époque, qui va à peu près de juin-juillet à janvier, les pluies représentent un gros risque car les eaux ont tendance à stagner et à constituer un nid pour le virus. Si la situation n’est pas prise en compte à temps, nous risquons d’avoir à gérer une véritable épidémie », commente Oliver Rosenbauer.
Vaccination d’urgence
L’OMS est sur le pied de guerre. La stratégie sera de « mettre en place une barrière immunologique […] pour empêcher la propagation du virus du Nigeria vers ces régions de l’Afrique exemptes de la polio », a déclaré Bruce Aylward, coordonnateur de l’Initiative mondiale, interrogé par IPS. Au cœur de l’action, un plan d’urgence de campagne de vaccination en octobre et novembre dans 22 pays pour protéger les quelque 74 millions d’enfants menacés.
L’initiative coûtera, en plus des trois milliards de dollars dépensés depuis 1988 pour l’éradication de la polio, 100 millions de dollars, « dont 25 millions sont requis d’urgence », souligne Oliver Rosenbauer. Réparer les dégâts sera périlleux. Mais certains gardent espoir. Kul Gautman, directeur exécutif adjoint de l’Unicef, dont les propos sont rapportés par Angola Press, estime même qu’éradiquer la polio d’ici la fin 2004 est toujours possible, « mais cela nécessitera des efforts extraordinaires ».
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