Une enquête publiée mardi menée conjointement à Paris par le CNRS et l’Open Society Institute a montré que les policiers français effectuent des contrôles d’identité en fonction de l’ethnicité et des vêtements des passants. Plus de 500 opérations de contrôle ont été observées pour l’étude. Pour la première fois, il a été scientifiquement prouvé que la police contrôle plus fréquemment les « Noirs » et les « Arabes ».
La police française contrôle plus fréquemment les minorités visibles. Tel est le constat de l’Open Society Institute, un institut de recherche américain sur la police, et du Centre national de la recherche scientifique (CNRS) dans une étude intitulée police et minorités visibles : les contrôles d’identité à Paris publiée hier. Entre octobre 2007 et mai 2008, des observateurs se sont placés sur cinq sites parisiens autour de la gare du Nord et de Châtelet. Ils ont d’abord identifié la population disponible en recensant l’âge, le sexe, l’origine, les vêtements et la taille du sac (dans le cadre du plan Vigipirate) des passants. 525 contrôles de police ont ensuite été observés selon les mêmes critères. Il en ressort que les personnes perçues comme « noires » ou « arabes » ont entre 1,8 et 14,8 fois plus de risques d’être contrôlés que les « blancs ». Les chiffres varient en fonction des sites étudiés. De même, les individus habillés dans un style jeune (hip hop, tecktonik, punk…) sont plus susceptibles d’être contrôlés : ils représentent 10% de la population disponible mais ont été 47% à se faire contrôler pendant l’enquête. Deux tiers d’entre eux sont issus de minorités visibles. L’étude montre à travers des chiffres que la police française se base plus sur l’apparence que sur les comportements des passants dont elle vérifie l’identité. Il semble que les policiers considèrent que les délits sont plus souvent commis par des personnes issus de minorités visibles ou portant des vêtements jeunes, ce qui les encourage à effectuer des contrôles d’identité.
Les observateurs ont également essayé de s’entretenir avec les passants contrôlés par la police pour connaître leur sentiment. La majorité d’entre eux estiment que les policiers ont eu un comportement neutre et poli. Seuls 3% des passants interrogés considèrent être victimes d’un traitement raciste ou insultant. Mais à la question de savoir quel effet ce contrôle avait produit, les personnes issues de la diversité ont exprimé un sentiment plus négatif que les blancs, sans doute à cause de contrôles plus fréquents auprès des premiers. Ce n’est donc pas tant l’attitude des policiers que la fréquence des opérations de contrôle qui agace.
Une enquête qui appelle à prendre des mesures
Les auteurs de l’étude mettent en avant plusieurs problèmes qui découlent de cette situation. D’abord, la police ne respecte pas la législation française anti-discrimination, ni les normes européennes des droits de l’homme qui interdisent les discriminations fondées sur l’apparence sans justification objective. Les chercheurs considèrent aussi que les contrôles au faciès détériorent la confiance entre public et police. Ils créent un sentiment de méfiance qui peut mener à des débordements telles que les émeutes qui se sont déroulées en 2005 et 2007 dans les banlieues.
Des recommandations sont également faites aux autorités publiques et policières. Les auteurs les invitent à reconnaître publiquement que le contrôle au faciès existe et qu’il pose problème. Ils suggèrent de modifier un article du code de procédure pénale afin d’interdire la discrimination raciale dans les actions policières. Enfin, il est également proposé d’établir un formulaire rempli systématiquement lors des contrôles d’identité. Y seraient inscrits l’apparence raciale de la personne contrôlée ainsi que les motifs et les résultats de l’opération. Ceci devrait permettre de vérifier l’efficacité et l’impartialité de la police et d’établir des statistiques anonymes. Mais, au même moment, 22 chercheurs rassemblés au sein de la Commission alternative de réflexions sur les « statistiques ethniques » et les discriminations (Carsed) présentaient leur premier ouvrage, Le Retour de la race ((éd. de L’Aube). Ils répondent aux travaux du Comité pour la mesure et l’évaluation de la diversité et des discriminations (Comedd) mis en place par le gouvernement pour mesurer la diversité et les discriminations. La Carsed craint « la racialisation de la société française » et propose des alternatives aux statistiques ethniques. La mesure des discriminations est un sujet sensible en France. Mais tout le monde s’accorde à dire que des mesures sont nécessaires.