Le manuscrit d’Abba Garima, conservé dans un monastère en Ethiopie, et jusque-là considéré comme un codex du XIe siècle, a fait un bond en arrière dans le temps. Les examens au carbone 14 ont révélé une datation plus ancienne: entre 330 et 650 après Jésus Christ. L’Ethiopie abrite les Evangiles illustrés les plus anciens du monde.
Impossible de se douter que l’un des manuscrits conservés dans le monastère de Garima, près d’Adoua, dans le nord de l’Ethiopie, était la plus ancienne Bible illustrée jamais découverte. Et pourtant, d’après un récent examen au carbone 14, le verdict est sans appel, le manuscrit d’Adda Garima, du nom du moine à qui il est attribué, ne date pas du XIe siècle après Jésus Christ comme les spécialistes s’évertuaient à le croire mais a été écrit entre le IVe et le VIe siècle de notre ère.
Cette nouvelle donne vient bouleverser toutes les théories échafaudées par les scientifiques. L’Ethiopie, qui se distingue par sa grande culture de moines copistes, ne possédait pas de manuscrits enluminés antérieurs au XIe siècle, à tel point que les savants en avaient conclu que cet art s’y était développé tardivement. Or, cette récente découverte atteste du contraire. L’existence même de ce manuscrit relève également du miracle, il a en effet échappé aux troupes de Muhammad Gran qui ont dévasté au XVIe siècle ces contrées. La situation difficile d’accès du monastère y est sans doute pour beaucoup.
Vieux de 1 600 ans, ces documents, qui n’ont jamais quitté le monastère, sont dans un état de conservation stupéfiant selon les experts. « Les Evangiles de Garima ont été maintenus au sec et dans l’obscurité, ce qui a contribué à les préserver de toutes ces années. Les couleurs sont étonnamment fraîches », explique Blair Priday du Fond du patrimoine éthiopien, organisme de bienfaisance britannique qui collabore avec l’Eglise orthodoxe éthiopienne.
Selon la légende, ce manuscrit aurait été écrit en un jour par le moine Abba Garima, arrivé de Constantinople en 494 après J-C, ce qui coïncide avec la récente datation du codex. Pour permettre cet exploit, Dieu aurait alors retardé le coucher du soleil. Les textes saints, retranscrits en langue guèze, une langue sud-sémitique attestée en Ethiopie dès le IIIe siècle et exclusivement littéraire, constituent deux volumes enluminés. Ces illustrations mettent en scène les quatres Evangélistes – Matthieu, Marc, Luc et Jean – et représentent pour la première fois le Temple des Juifs.
Les experts souhaitent vivement que le manuscrit d’Abba Garima reste dans le monastère d’autant plus que les moines ont toujours considéré que ce livre sacré avait des pouvoirs magiques: «Si quelqu’un tombait malade, les moines lisaient des passages de l’ouvrage pour le soigner et lui redonner de la force», explique Mark Winstanley, qui a contribué à assurer la conservation. Reste à convaincre les autorités éthiopiennes. Le manuscrit d’Adda Garima n’est pas à un miracle près.