Pour ou contre la peine de mort ? Voici un sujet rarement débattu en Afrique et qui laisse parfois perplexe…Partisans de la loi du Talion ou de la Rédemption, ils ont souhaité s’exprimer. Témoignages.
Yolande, Ivoirienne vivant au Sénégal
« Je suis contre la peine de mort. Pour moi, ça ne résout pas les problèmes. Les bourreaux sont aussi criminels que les condamnés à mort. Je suis militante auprès d’Amnesty International. Dans les ONG, le débat sur la peine de mort existe. Personnellement, c’est en me documentant et en regardant des films sur le sujet que je me suis forgée cette conviction personnelle. De plus, je suis chrétienne et je crois au pardon. En prison, le criminel à une chance de se repentir et de se réinsérer dans la société. Une fois mort, c’est trop tard. »
André, Côte d’Ivoire
« Je ne suis ni pour, ni contre. Je ne vois pas pourquoi il y aurait un débat. Pour moi, la peine de mort est la conséquence logique de certains actes. J’ai plusieurs filles, et si il leur arrivait quoi que ce soit, je réclamerais justice. Je ne comprends pas pourquoi les condamnés à la peine capitale attendent des dizaines d’années dans le couloir de la mort alors qu’il faudrait les exécuter au plus vite. Et puis d’abord, je ne souhaite à personne de séjourner 20 ans dans la Maca[[<*> Maison d’arrêt civile d’Abidjan]]…si on peut vivre là-bas aussi longtemps. En Côte d’Ivoire, la situation économique s’est beaucoup dégradée depuis la guerre. Les gens commettent des crimes pour survivre. Pour que le chaos ne règne pas dans le pays, il faut maintenir la peine de mort dans les textes de loi, même si elle n’est pas toujours appliquée. Sinon, il existe la justice du peuple, et là, lorsque le délinquant est pris, sa seule chance de survie est de courir au poste de police. »
Salah, Maroc
« Je suis un homme de gauche, et, en tant que tel, je suis contre la peine de mort. Ça ne sert à rien, c’est un acte qui salit les mains. La peine de mort, ce n’est ni plus ni moins qu’un crime légal. Au Maroc, avant les attentats terroristes de Casablanca, la peine capitale n’avait été appliquée que trois fois, notamment en 1993, où un commissaire avait été exécuté pour crimes sexuels et barbarie : « l’affaire Tabit ». Même pour ce crime odieux, la condamnation à mort ne se justifie pas, c’est pour moi un principe. Au sujet des condamnés terroristes, je pense que les Marocains estiment qu’ils n’ont que ce qu’ils méritent. »
Roseline, Congo
« La peine de mort est une régression. Je préfère la solution de la prison à vie. De toute façon les gens se font justice eux-mêmes. Mon frère a péri lors d’un braquage. En temps normal, la famille de la victime se serait vengée sur les parents du criminel. Ces derniers auraient à leur tour répliqué. Un puits sans fond. Pour trouver les assassins de mon frère, j’ai préféré la voie de la justice. Même si le résultat est nul, je reste contre la peine de mort. »
Crespin, Congo
« Je suis pour la peine de mort. Au sortir de la guerre, j’ai vu des maisons brûler, des gens mourir à la suite d’atroces vengeances. C’était une justice expéditive. Car la justice actuelle met trop de temps et ne satisfait pas les plaignants. Ils cherchent alors à satisfaire leur rancune par leur propres moyens. La menace de la peine de mort changerait cet état de fait. C’est pourquoi j’admire la politique de la peine capitale des Etats-Unis. Au Congo, cela éviterait les exécutions sommaires. Et si des innocents subissent la mort, c’est un risque à encourir. »
Mounira, Bénin
« D’un point de vue religieux, je suis contre la peine de mort. J’ai été élevée avec des principes catholiques tels que tu ne tueras point ou tu ne jugeras pas les gens. Néanmoins, d’un point de vue humain, et devant certains crimes particulièrement barbares, je ne peux réfréner l’idée qu’une condamnation capitale est méritée. Dans le cas des multirécidivistes, il faut bien les empêcher de nuire. Même s’ils se tiennent à carreau pendant des années derrière les barreaux, en sortant, ils peuvent continuer à assouvir leurs pulsions les plus sanguinaires. Mais, après réflexion, la peine de mort n’est jamais une solution. Les hommes ne sont pas des mouches, c’est n’est pas parce qu’ils sont nuisibles qu’il faut les écraser ! »
Térence, Gabon
« J’ai été choqué dans mon enfance par les fusillades publiques sur le boulevard du bord de mer à Libreville. Pour moi, c’est un énième acte de vengeance et de sauvagerie. Mais je me questionne sur le rôle de la justice. Récemment, le gardien de ma résidence a été assassiné. On a retrouvé les meurtriers, preuves à l’appui. Malgré tout, quinze jours plus tard, ils étaient libres. »