En cette huitième édition du Marathon des lettres, qui a lieu du 5 au 13 décembre 2009, l’ONG Amnesty International France entend inciter le public à dénoncer la situation de quatorze personnes et membres d’organisations, dont les droits fondamentaux sont menacés, en France et à l’étranger. Lors d’une conférence de presse organisée lundi dans les locaux de Science Po Paris, plusieurs victimes ont ainsi témoigné des violences et injustices qu’elles, ou leurs proches, avaient subies. Durant cette semaine, l’organisation sollicitera le public pour envoyer des lettres et des pétitions signées aux gouvernements responsables de violations des droits de l’homme.
Donner une voix, un visage, une histoire aux droits de l’homme. C’est ce qu’entend faire l’ONG Amnesty International France durant la semaine du Marathon des lettres qui a débuté ce samedi, en donnant la parole à quatorze personnes victimes de violation de leurs droits fondamentaux. « Ce ne sont pas les institutions ou les organisations non-gouvernementales qui défendent le mieux les droits de l’homme, mais des hommes et des femmes, dans des combats au quotidien. Il était donc important de présenter les victimes de violences arbitraires, de tortures, d’incarcérations injustifiées. Il s’agit de mettre des visages sur les droits de l’homme», a expliqué l’ Ambassadeur français des droits de l’homme François Zimeray, lors de la conférence de presse organisée ce lundi à Science Po Paris, qui inaugurait le lancement du Marathon des lettres.
Initié par les membres d’ Amnesty International en Pologne en 2001, l’évènement a rapidement conquis l’ensemble des pays où est présente l’association, soit trente-six pays au total. Du 5 au 13 décembre 2009, il s’agit donc pour l’organisation internationale d’alerter le public sur des cas précis de violation des droits de l’homme, mais aussi et surtout d’y confronter les États responsables. « Le gros de l’évènement consiste à récolter des signatures pour des pétitions que nous enverrons aux gouvernements des États responsables de violations des droits de l’homme. Nous serons présents dans 122 villes en France, et dans les trente-cinq autres pays où nous lançons le Marathon des lettres, du Burkina Faso à la Mongolie», précise Geneviève Garrigos, présidente d’ Amnesty International France. Des centaines de milliers de lettres affluent ainsi chaque année des cinq continents comme autant d’avertissement aux gouvernements coupables de ne pas respecter les droits fondamentaux des personnes.
Quatorze victimes, quatorze visages des droits de l’homme
Parmi les destinataires de missives, les gouvernements tchadiens, congolais, français, mexicains ou encore chinois devraient s’attendre à recevoir de nombreux courriers dans les semaines à venir. Fils de l’opposant tchadien Ibni Oumar Mahamat Saleh disparu depuis le 3 février 2008 dans des circonstances encore non élucidées, Ibni Oumar Mohamed Saleh voit en ce Marathon des lettres une occasion de relancer le processus d’établissement de la vérité sur la disparition de son père. « Je me bat pour que le crime de l’oubli ne s’ajoute pas au crime de l’assassinat. Une dépêche AFP seule peut permettre de relancer l’enquête. Il faut donc en parler pour que l’impunité ne règne plus en maître au Tchad », estime-t-il.
Même sentiment chez le jeune Lamba Soukana venu témoigner de la violence policière qui s’est abattue sur lui sans raison, un soir de mai 2008, dans le hall de son immeuble à Tremblay-en-France, en banlieue parisienne. En dépit de la plainte déposée il y a plus d’un an, Lamba attend toujours que justice lui soit rendue. « Mon souhait est que justice soit faite. Le Marathon des lettres me permet de mettre l’accent sur ce qui m’est arrivé mais cela peut arriver à n’importe qui. Il faut que les gens ouvrent les yeux afin qu’on arrête de protéger les personnes, sous le prétexte qu’elles portent un uniforme ». Violences, tortures, viols, assassinats, incarcérations arbitraires, les quatorze victimes présentées par Amnesty International incarnent des cas extrêmes dans lesquels les droits fondamentaux sont bafoués. Celles qui ne sont plus incarcérées ont choisi de participer à l’évènement et de faire le voyage jusqu’à Paris, comme le dissident tunisien Mouhieddine Cherbib et l’activiste mexicaine Patricia Torres.
Des signatures pour faire évoluer les situations extrêmes
Ces invités discuteront avec le public français lors de tchats organisés, rencontres et débats, mais la récolte de signatures devrait rester l’action maîtresse du Marathon des lettres. En 2008, 295 000 signatures, dont 35 000 en France, en faveur de « personnes en danger » avaient ainsi permis de faire évoluer positivement la situation de certaines d’entre elles. Amnesty International rappelle que le condamné à mort américain Troy Davis s’est vu accorder une nouvelle audience par la Cour Suprême américaine en août 2009, après que celle-ci a reçu des centaines de milliers de courriers du monde entier.
Au-delà du message d’avertissement envoyé aux gouvernements, Amnesty International insiste également sur le message de soutien que signifient ces actions envers les victimes, mais aussi toute personne harcelée, menacée, ou torturée. Fille du Colonel Paul Ndokayi, torturé et détenu sans jugement depuis novembre 2006 dans une prison de Kinshasa en République Démocratique du Congo, Gisèle Ndokayi sait son père de plus en plus abattu, au fur et à mesure que dure son incarcération. « J’ai peur que les autorités ne le laissent croupir en prison. C’est ma hantise. C’est pour cela qu’il faut parler de lui. Il ne faut pas l’oublier, jamais.» Redonner force et courage aux victimes et autres défenseurs des droits de l’homme, tel est bien le but du Marathon des lettres, dont la tenue coïncide avec l’anniversaire de la Déclaration universelle des droits de l’homme, qui aura soixante-et-un an le 10 décembre.