Les parties prenantes du conflit ivoirien semblent satisfaites du déroulement du processus de paix en Côte d’Ivoire. Jeudi, pour fortifier la réconciliation, une loi d’amnistie envers les putschistes des trois dernières années a été adoptée par le gouvernement. Autant d’avancées qui ne font pourtant pas disparaître la méfiance entre anciens ennemis militaires et nouveaux partenaires politiques.
« Nous sommes satisfaits de la mise en marche de l’accord de Marcoussis », a déclaré mardi le responsable de la mission du Conseil de sécurité des Nations unies, Jeremy Greenstock, à l’issue de sa visite en Côte d’Ivoire. Il faut dire que d’importants efforts ont été faits côté gouvernement comme côté rebelle, depuis la signature des accords de Marcoussis (24 janvier 2003) et d’Accra. Voilà deux semaines, la zone Ouest du pays était déclarée sécurisée à 95%, après un « nettoyage » réalisé conjointement par les Forces armées nationales de Côte d’Ivoire (Fanci), les Forces nouvelles et les troupes d’interposition françaises et ouest africaines. Une semaine plus tôt, les Etats-majors des forces gouvernementales et rebelles se rencontraient pour désigner les zones qui serviront prochainement au cantonnement des troupes rebelles.
Ce jeudi, un grand pas vers la paix a été franchi, avec l’adoption par le gouvernement de réconciliation nationale d’une loi d’amnistie*, qu’il reste à l’Assemblée à ratifier. La méfiance reste pourtant de mise au sein du gouvernement, où se côtoient ex-ennemis politiques et militaires.
« Un gouvernement surréaliste »
« J’attends les faits », déclare le conseiller du Président Laurent Gbagbo, Alain Toussaint, qui refuse de céder à l’optimisme ambiant. L’incident survenu au ministre de la Communication issu de la rébellion lui donne raison. En visite à la Radio-télévision ivoirienne (RTI), Guillaume Soro a dû se réfugier vendredi dernier dans l’infirmerie pour échapper à des dizaines de jeunes Ivoiriens armés de gourdins. La mort de Soro « aurait entraîné tout simplement la guerre », a assuré Louis-André Dacoury Tablé, responsable des relations extérieures du MPCI. L’état d’urgence a immédiatement été déclaré dans la région sous contrôle rebelle et certains ont même réclamé le départ de leurs ministres du gouvernement. « De la poudre aux yeux », pour Alain Toussaint. « Les rebelles ont profité de cet incident, à deux jours de la visite de la mission des Nations Unies s’ériger en victime. »
Quoiqu’il en soit, jeudi, le Conseil des ministres était au complet. Pour marquer sa solidarité avec le ministre malmené, l’instance a confirmé la suspension du président général de la RTI, Georges Aboké, et de son secrétaire-général, Jean-Paul Dahily, décidée un jour plus tôt par le Premier ministre Seydou Diarra. De plus, « les auteurs des actes ont fait l’objet d’interpellations et une enquête est actuellement diligentée par les pouvoirs publics », indique le communiqué final du Conseil des ministres. « La situation du gouvernement est surréaliste. Le contexte reste très fragile. Mais tout le monde a heureusement un intérêt commun qui est la fin de la guerre », expliquait Alain Toussaint, avant même la tenue du Conseil des ministres.
Désarmer d’abord
Le conseiller du Président n’en démord pas. Seul le désarmement de ce qu’il appelle « les combattants illégaux (tout ce qui n’est pas Fanci, ndlr) », pourra ramener la sécurité et permettre la reprise économique. La loi d’amnistie adoptée jeudi va dans ce sens. Les sites de cantonnement sont désignés et le calendrier indicatif du Premier ministre prévoit que le désarmement se tiendra entre le 1er août et le 15 septembre. Au-delà des effets d’annonce, certains déplorent la lenteur des procédures. Soutenue par la présidence, la campagne « Désarmons les rebelles pour une paix durable en Côte d’Ivoire », appelle à une mobilisation citoyenne de tous les Ivoiriens et des amis de la Côte d’Ivoire pour faire pression sur le gouvernement. La pétition, relayée sur le Net, ambitionne de récolter 1 million de signatures. Elle sera ensuite remise au Premier ministre.
Une initiative qui témoigne d’une certaine méfiance au sein des autorités ivoiriennes. Une double cohabitation semble s’installer. Au sein du gouvernement et entre le gouvernement et la présidence. A l’horizon des élections de 2005, chacun semble aujourd’hui placer ses pions sur un échiquier politique où la guerre est en échec.
*Champs d’application de la loi d’amnistie :
Le projet de loi couvre « toutes les infractions contre la sûreté de l’Etat quels qu’en soient leurs auteurs, coauteurs ou complices, militaires ou civils se trouvant sur le territoire national ou en exil ». Selon le communiqué : « Cette loi d’amnistie prend également en compte les infractions militaires telles que l’insoumission, l’abandon de poste et la désertion ». Le projet de loi ne s’applique toutefois pas aux infractions économiques et aux infractions constitutives de violation graves de droit de l’Homme et du droit international humanitaire.