Mme Clotilde Ohouochi Yapi, ministre de la Solidarité de Côte d’Ivoire, intervenait ce vendredi au Cape, à Paris, pour évoquer la situation sociale qui prévaut dans son pays depuis la formation du gouvernement de réconciliation. Les combats n’ont pas complètement cessé, mais Mme Ohouchi n’hésite pas à parler d’une » nouvelle Côte d’Ivoire en voie vers la réconciliation « .
La Côte d’Ivoire essaie tant bien que mal de retrouver un fonctionnement normal depuis la formation de son gouvernement de réconciliation nationale, le 13 mars dernier. Les combats, notamment à l’ouest du pays, n’ont pourtant pas cessé. Vendredi, la ministre ivoirienne de la Solidarité, de la Sécurité sociale et des Personnes handicapées est intervenue au Centre de la presse étrangère, à Paris, pour évoquer la » nouvelle Côte d’Ivoire « . Celle qui tente de rapatrier ses nationaux et d’instaurer un service de Santé pour tous ses résidents. Mme Ohouochi a été ministre de la Solidarité et de la Santé dans les précédents gouvernements de janvier 2001 et d’août 2002. Elle a été confirmée à ce poste lors de la formation du gouvernement de réconciliation, en perdant la Santé, qui bénéficie d’un ministère propre.
Les médias et organisations non gouvernementales (ONG) font état d’une situation humanitaire catastrophique en Côte d’Ivoire. Qu’en est-il ?
Clotilde Ohouochi : La situation n’est pas catastrophique en Côte d’Ivoire. Elle l’aurait été si les autorités n’avaient pas rapidement pris des mesures. Très tôt, nous avons mis en place une cellule Solidarité action humanitaire pour venir en aide aux personnes prises au dépourvu lorsque la crise a éclaté. La présidence de la République et l’Assemblée nationale y sont représentées, ainsi que toutes les ONG ivoiriennes qui interviennent dans le domaine de l’humanitaire. Nous bénéficions également de l’aide et de l’expertise des agences des Nations unies, tel le Pnud (Programme des Nations unies pour le développement, ndlr) ou le Pam (Programme alimentaire mondial, ndlr).
Le ministère de la Solidarité possède-t-il un bilan chiffré concernant les personnes déplacées depuis le début de la crise ?
Clotilde Ohouochi : En ce qui concerne les déplacements internes à la Côte d’Ivoire, 1,5 million de personnes ont fui les zones de combat vers la zone sécurisée, dans le sud. La population d’Abidjan a pratiquement doublé depuis le début de la crise. Plus de 200 000 personnes sont passées par nos services d’action sociale mais beaucoup plus se retrouvent dans une situation précaire. Nous avons également des ressortissants qui ont fui le pays. Sur les 2 000 Ivoiriens qui se sont réfugiés au Mali, 1 500 ont déjà été rapatriés. 3 682 autres ont trouvé refuge en Guinée, dans le camp de Nona, et 600 ont à ce jour été rapatriés. Le chiffre le plus important et la situation la plus préoccupante concerne le Liberia, où 37 000 Ivoiriens ont fui. Des nationaux que nous n’avons pas la possibilité de faire revenir à cause de la situation de guerre qui prévaut dans ce pays. Les 2 000 Ivoiriens qui sont au Ghana ont trouvé refuge dans leurs familles, où ils préfèrent rester pour le moment.
Comment la solidarité a-t-elle fonctionné depuis le début de la crise ?
Clotilde Ohouochi : Le pays a été extraordinaire. Les personnes les plus démunies sont parfois venues apporter leur contribution financière. 700 millions de F CFA ont été réunis pour ce que nous appelons l’effort de paix. D’autre part, une opération a vu des entreprises, des cadres, de très nombreux étrangers… apporter leur aide au pays. Une aide qui s’est d’abord traduite par des dons de sang, puis par des dons financiers. 600 millions de F CFA ont été réunis. Les autorités ivoiriennes n’avaient pas accès aux zones sous contrôle rebelle mais sont intervenues sur tout le territoire. Par l’intermédiaire d’ONG, nous avons fait parvenir plus de 100 tonnes de vivres à la cathédrale de Bouaké, où les gens viennent en général demander de l’aide, ainsi qu’à Korogo. Plus de 200 tonnes ont été envoyées à Douékoué, Guiglo ou encore Odienné.
Le Burkina Faso a porté plainte auprès des Nations unies pour les exactions commises sur ses ressortissants en Côte d’Ivoire. Quelle est la réaction du gouvernement ivoirien ?
Clotilde Ohouochi : Les étrangers ne sont pas dans une situation particulière par rapport aux Ivoiriens. Nous avons tous subi les conséquences de la guerre. Les milliers de Guinéens qui ont fui ont été honnêtes. Ils ont affirmé qu’ils n’avaient subi aucune exaction particulière, qu’ils avaient fui parce que le pays était en guerre mais qu’ils reviendraient en Côte d’Ivoire. Quant au Burkina Faso, chaque pays est libre de faire ce qu’il veut. Il revient aux autorités judiciaires de faire leur travail et d’analyser la plainte.
Des bidonvilles d’Abidjan où vivaient de nombreux Burkinabés ont été détruits peu après le 19 septembre 2002…
Clotilde Ohouochi : Les populations déguerpies des bidonvilles d’Abidjan n’étaient pas uniquement composées de Burkinabés. De nombreux Ivoiriens y vivaient également. Les bidonvilles détruits étaient connus de longue date comme des lieux insalubres. Il n’était pas rare d’y voir des câbles électriques dénudés se balancer très près des habitations. Ces mesures concernent donc toutes les personnes des quartiers précaires que le gouvernement a décidé de reloger. Il n’est pas question que ces habitants retournent vivre sur le lit des fleuves ou sur le flanc des collines. Avec le HCR (Haut commissariat aux réfugiés, ndlr), nous avons relogé une partie d’entre eux dans une belle villa aux Deux Plateaux et, quand le pays sera en paix, nous continuerons l’opération de relogement. Nous mettrons également en route l’Assurance maladie universelle, qui permettra à tous les résidents qui ne bénéficient pas d’une couverture maladie d’obtenir des soins appropriés. Et je tiens bien à préciser à chaque résident. Ivoirien comme étranger.