La musique sans frontières de Sam’M


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Le musicien et chanteur camerounais Sam’M présente dans son nouvel album « Oa Na Mba » des sonorités très éclectiques, jazz, africaines, latinos, prouvant une fois de plus que sa musique n’a pas de frontières. Il y parle des rapports entre les humains, de la calomnie, la souffrance, des douleurs de la vie en général , dans sa très musicale langue maternelle, le douala. Rencontre avec un artiste qui affirme être un fils du monde.

AFRIK.COM : Votre musique est très variée, on y entend toutes sortes de sonorités : jazz, africaines, même latinos. Comment définissez-vous votre style musical ?

Sam’m : Je fais tout simplement de la musique. Chaque artiste a différentes influences. Moi par exemple, dans les années 90, j’ai été influencé par le jazz et même les musiques latines. Je suis Africain et le folklore m’est toujours resté. Tout Africain naît avec la musique car il entend les percussions depuis le ventre de sa mère, tellement elles sont omniprésentes. J’ai essayé de faire ressortir ce que j’ai vécu de mon enfance jusqu’à aujourd’hui, laissant le choix à la voix.

Comment votre aventure avec la musique a-t-elle commencé ?

Ma maman était une très bonne chanteuse avec une belle voix. Ses chansons me revenaient souvent à l’oreille et lorsque j’étais plus jeune, je les reprenais de temps en temps. Puis de fil en aiguille, je me suis rendu compte que j’avais une voix. Je reprenais alors ce qu’elle faisais, puis peu à peu, l’inspiration commençait à venir pour écrire, traiter des textes et mélodies. Difficile de dire comment m’arrivaient ces mélodies, il y avait un petit esprit qui était là, qui les sème puis s’en va. (Grand éclat de rire).

Vous abordez beaucoup les relations humaines dans cet album. Cela semble vous toucher…

Oui, en effet, j’ai axé principalement les chansons sur les rapports entre les humains, je parle d’amour, mais aussi de la calomnie, de la méchanceté, de la souffrance, des douleurs de la vie en général. Bien que je sois né en Afrique, je suis un fils de la terre, je tend juste l’oreille et tout me parle (rires). Le titre en douala veut dire toi et moi, les relations entre nous deux.

Votre objectif dans la musique ?

Je veux faire de la musique mon métier et la transmettre à la jeune génération, leur donner la possibilité de rêver et d’entretenir ce métier. Car encore une fois, contrairement à ce que beaucoup pensent, la musique est un métier qui fonctionne comme une entreprise dans laquelle il y a toutes les composantes. Lorsque les autres ont choisi d’être avocat ou médecin, moi j’ai choisi de faire de la musique. On fait des concerts dans le monde entier pour transmettre des messages. On va partout en Amérique du Sud, à Annecy, aux Etats-Unis, partout, ça ne s’arrête pas.

On constate aussi que vous avez énormément de musiciens, c’est un véritable orchestre….

Oui c’est vrai. En tout 14 musiciens ont enregistré dans cet album. Il y a différents instruments : du violoncelle, de la guitare, de la batterie, et même de la kora. On a été au Mali pour l’enregistrement du morceau. Encore une fois, je suis un fils du monde. Entre les artistes, c’est important qu’on se partage ce plaisir. On ne se donne pas de limites en musique, il n’y a pas de frontières. Que ce soit au Cameroun, partout en Afrique, mais aussi dans le monde, je suis chez moi. Je continue encore à chercher les frontières, mais je n’en trouve pas. Il n’y a pas de limite , la terre n’appartient à personne. Dieu n’a jamais mis de frontières, ce sont les hommes qui en ont créé.

Racontez-nous votre enfance au Cameroun….

Je suis née à Douala. Très tôt; on a découvert en moi les talents d’un petit footballeur. Dans leur tête, ils se sont dit que c’était pour les voyous, que si on le laisse à Douala, il ne va pas étudier comme il le faut. Ils m’ont alors envoyé à 500 km plus loin, chez mon oncle, qui était un militaire. Il m’a prévenu que chez lui c’est d’abord les livres. J’ai eu mes diplômes, mais la musique a fini par me rattraper d’autant que j’en faisais en cachette, au katiba, un orchestre dans lequel un grand monsieur a investi en instrument de musique. C’est comme ça que j’ai appris à chanter avec les autres. Puis, je me suis rendu en France où mon père était installé depuis très longtemps. Je ne venais pas en France pour lui, mais pour suivre l’exemple d’artistes comme Manu Dibango, où encore Myriam Makeba, qui m’ont fait rêver. Je devais voir comment ils ont fait pour réussir. Je devais aller voir comment ça se passait là-bas sur le plan artistique.

Quel est votre regard sur l’industrie musicale africaine ?

Nous artistes africains n’avons pas encore développé une industrie musicale. Dans certains pays comme le Nigeria, ça commence, mais dans des pays comme le Mali, le Gabon c’est encore au stade embryonnaire. Le business de la musique n’est pas encore développé. Le peu qui réussissent ne sont pas nombreux et en général, ils prennent leur envol en Occident. La musique est un vrai travail. Il faut travailler tous les jours, il n’y a pas de weekend. Il faut tous les jours s’informer, prendre des cours. Pour pouvoir parler aux gens, le musicien doit être cultivé aussi. Pourtant, ceux qui sont en Afrique ont tout sur place. Ils n’ont pas besoin d’aller aux USA, il faut juste développer ce qui leur permettra de prendre leur envol. Les gens ne savent pas comment faire. Certains investisseurs ont peur d’y aller. Quand on compte le nombre de festivals dans les pays occidentaux, c’est cela qui fait vivre. Un artiste, il n’a de valeur que si on lui donne la possibilité d’exposer ses œuvres.

Quelles sont les solutions pour changer la donne ?

Il faut former les jeunes sur place aux métiers de la musique, pas juste au chant, mais il faut des gens qui puissent gérer les artistes, les manager. Il faut des formations sur le plan technique, des preneurs de son, des cameramen,. Il faut savoir vendre le truc… Il faut aussi éduquer ceux qui ne sont pas dans le monde de la musique à la consommation de la musique, car il y a trop de piraterie. Le monde évolue très vite. Avant, on était au vinyle, maintenant on est au CD, et à l’ère du net. Il faut s’adapter à cette nouvelle façon de faire de la musique pour s’en sortir. Pour sortir un album, ça coûte cher. Aujourd’hui, l’artiste est obligé de financer. Viennent ensuite les maisons de disque. Elles continuent encore de tout faire pour certains artistes, mais ne peuvent pas le faire pour tous.

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