Les candidatures pour le Prix RFI musiques du monde 2003 sont ouvertes jusqu’au 15 juin prochain. Béla Bowé, responsable des Prix RFI Musiques au sein de la direction de la communication, revient sur la nouvelle formule du concours et nous explique les difficultés de promotion de la musique africaine.
Quel est le point commun entre Tiken Jah Fakoly, Sally Nyolo ou Rokia Traoré ? Réponse : ils ont tous été lauréats du Prix RFI musiques du monde. Qui sera le prochain ? Peut-être vous ? Les candidatures pour l’édition 2003 sont ouvertes jusqu’au 15 juin. A la clé, un prix de 6 000 euros (3,9 millions de F CFA), un concert en Afrique et un à Paris, un plan de promotion international ainsi qu’une bourse de développement de carrière de 15 000 euros (9,7 millions de F CFA). Un concours nouvelle formule sur lequel revient Béla Bowé, responsable des Prix RFI Musiques. Il nous confie également son analyse sur les problèmes de promotion d’une musique africaine victime d’ostracisme de la part des médias occidentaux.
Afrik : Qu’est-ce-qui change cette année pour le Prix RFI musiques du monde ?
Béla Bowé : Il est important de faire évoluer le concours pour ne pas qu’il reste figé. Il s’agit d’une remise en cause nécessaire à laquelle nous nous astreignons. Le Prix RFI musiques du monde 2003 est ouvert aux artistes habitant en Afrique et ayant produit sur le marché local au minimum 1 CD et 1 K7, 2 CD et 4 K7 au maximum. Cette année, nous sélectionnerons trois finalistes. Ils se produiront en concert dans une capitale africaine devant un jury composé de personnes de RFI et de partenaires. Nous ferons également venir des gens de la profession, éditeurs et producteurs, pour assister à l’événement.
Quelle est la philosophie du concours ?
RFI ne se positionne pas comme un label mais uniquement du côté de la détection, de la promotion et de l’aide au développement de carrière. Nous sommes là pour faire le lien entre les artistes et le métier musical. Nous aidons l’artiste à exposer sa musique.
Combien de candidatures recevez-vous en moyenne pour le concours ?
Quand le Prix était ouvert aux personnes n’ayant pas encore sorti d’album, nous en recevions jusqu’à 1 000. Aujourd’hui nous recevons entre 200 et 350 productions.
Quelles sont les plus belles réussites du Prix RFI ?
Tiken Jah Fakoly, Rokia Traoré, Sally Nyolo, Mangu sont des artistes qui ont tous été lauréats. Sans parler d’Amadou et Maryam, qui ont obtenu le prix en 1982 ou Beethovas Obas en 88, et qui ont fait leur chemin depuis. Aléas d’un concours, il y a d’autres artistes, comme Faudel – dont nous avions la démo de « Tellement n’brick » – ou Richard Bona, qui ont été en lice mais qui n’ont pas reçu de prix.
Existe-t-il d’autres initiatives similaires à celle du Prix RFI musiques du monde ?
La BBC a lancé une initiative il y a un ou deux ans. Mais sans parler de concours, les centres culturels français (CCF) en Afrique ont beaucoup fait pour la musique africaine. C’est par exemple François Belorgey (ancien directeur du CCF de Dakar, ndlr) qui a fait émerger le rap sénégalais à Dakar. En organisant des scènes et en réalisant une compilation. D’autres CCF au Cameroun, à Madagascar et ailleurs ont également beaucoup contribué à promouvoir les artistes africains.
Quelle place occupe la musique africaine sur les marchés occidentaux ?
La world music doit représenter 3 à 4 % du marché. Les moyens de diffusion en télé et en radio sont bouchés. Il y a une sorte de racisme sournois dans la diffusion de la musique afro et la musique world en général. Le phénomène ne date pas d’hier. Avant Michael Jackson et Thriller, MTV ne diffusait pas d’artistes noirs. Il faut imaginer ce que la notoriété des personnes et des groupes comme James Brown, Aretha Franklin, Marvin Gay ou Earth Wind and Fire aurait été s’ils avaient bénéficié de la même couverture média que les Beatles ou les Rolling Stones.
Estimez-vous qu’il existe toujours les même blocages dans les médias ?
Youssou n’Dour passe à la télé, et heureusement, notamment parce qu’il a bénéficié de la caution de Peter Gabriel et aujourd’hui de celle de Pascal Obispo. Bien que les initiatives soient tout à fait louables, il n’empêche que les faits sont là. En France, comme ailleurs, les gens ne connaissent de la musique africaine que le « Soul Makossa » de Manu Dibango, le « Pata Pata » de Myriam Makeba et le « Yéké yéké » de Mory Kanté. Plus les niaiseries imposées par la publicité et les opérations d’été des chaînes. Les médias généralistes ne contribuent pas ce que l’on découvre de nouveau artistes africains. Si le Rythme and Blues et le Hip Hop se sont imposés, difficilement, les portes restent très fermées pour la musique africaine.
Que pensez-vous de la disparition de MCM Africa ?
La chaîne était devenu un robinet à clips avec peu de moyens. Mais il n’empêche qu’on pouvait toujours voir et écouter de la musique africaine. Maintenant MCM Africa a été rachetée par un groupe qui va en faire une chaîne hip-hop et RnB. Or, la musique noire ne se résume pas qu’à ça. Le problème est avant tout économique. Le marché africain n’est pas un marché solvable. Personne ne veut investir parce que cela ne rapporte pas.
Y a-t-il un avenir pour la musique africaine ?
Bien sûr, écoutez Tiken Jah qui est la futur star du reggae Africain ! Il y a une nouvelle génération qui arrive à l’image d’artistes tels que Richard Bona ou Lokua Kanza qui ont digéré la musique occidentale et sont capables de l’intégrer à leurs racines africaines. Il y a de grandes choses qui vont sortir de tout ça.
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