La mort du père


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Après la mort de son père, en avril 2002, l’écrivain et sociologue d’origine algérienne, Azouz Begag, s’est demandé quels livres il pourrait bien écrire après « ça ». La réponse se trouve dans « Le marteau pique-cœur », qui vient de sortir aux éditions du Seuil.

L’écrivain et sociologue d’origine algérienne Azouz Begag ne connaît pas la date de naissance de son père, Abboué, en Algérie. En revanche, il n’oubliera pas la date de sa mort, le 7 avril 2002, à Lyon. Pour exorciser la douleur, il en a fait un livre rempli de tristesse, bien sûr, mais aussi d’humour et de tendresse : Le marteau pique-cœur. Il y dresse plusieurs portraits qui s’entremêlent : celui de son père, qui a passé « la moitié de sa vie désarmé dans la misère coloniale en Algérie et l’autre moitié dans le béton armé en France », celui de sa smala (six frères et sœurs), celui de l’Algérie contemporaine et, enfin, le sien. Celui de l’écrivain à succès hésitant entre sa double culture. « Gauloise » et arabe.

Il y égrène ses souvenirs d’enfance, y décrit ses doutes, ses peurs et ses angoisses qui ont comme point d’orgue la disparition du paternel. Un « homme respecté de tous, qui avait été l’un des premiers à quitter le village de la montagne pour aller louer ses bras dans les usines de France et qui, depuis, avait creusé une tranchée où s’étaient engouffrées des centaines de cousins descendant de la même tribu. C’était le Christophe Colomb, le Magellan, le Vasco de Gama, l’Ibn Battuta du douar. Il avait découvert le nouveau monde. Celui des usines, de leurs chaînes, des cadences, des pointeuses, des contremaîtres, des revenus. Celui du BiTiPi et de son taux d’accidents mortels le plus élevé de l’industrie française. »

Retour à Sétif

Azouz Begag arrive quelques minutes trop tard pour recueillir le dernier souffle du patriarche. Son frère lui annonce la nouvelle sur le perron de l’hôpital. D’abord la douleur. « Le monde s’écroula sur ma proue dans un terrible vacarme. Ma vie se creva, le temps compressé pénétrait par tous les compartiments, tandis que Farid surnageait dans les débris, le regard en miettes. » Puis les premières inquiétudes. « Comme il ne savait pas lire, le pauvre, il n’allait pas pouvoir déchiffrer les panneaux d’indication pour trouver l’autoroute du Paradis. C’est à moi qu’il revenait de le conduire à bon port. »

Pour enterrer Abboué dans le cimetière de sa ville natale, au pied du massif des Aurès, le « demi-orphelin » fait le voyage à Sétif, qu’il n’a pas effectué depuis 25 ans. Les retrouvailles avec la terre algérienne ne manquent pas de piquant. Beaucoup de choses ont changé dans le village d’El-Ouricia, nom emblématique de son enfance. Azouz Begag est déçu : la croissance démographique et les excroissances urbaines ont défiguré le paysage. En revanche, d’autres mauvaises habitudes n’ont pas changé. Les policiers et les douaniers sont toujours aussi désagréables… Ce retour aux racines algériennes, bien que mouvementé, est l’occasion pour l’écrivain de montrer le pays à sa fille aînée et de redécouvrir une partie de son histoire familiale. Conclusion : « C’est l’Algérie. Je l’ai en moi. Seuls les adeptes du yoga et de la plongée en apnée peuvent y survivre. »

Le marteau pique-cœur, Azouz Begag, éditions du Seuil.

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