Serigne Khadim Bousso, chef religieux de la communauté mouride et homme d’affaires, a été retrouvé mort jeudi matin, une balle dans la tempe, alors que les autorités tentaient de l’arrêter. Au coeur d’un scandale financier, le marabout était en cavale. Sa mort suscite bien des interrogations dans la société sénégalaise.
Une balle dans la tête. Le marabout-homme d’affaires Serigne Khadim Bousso est décédé jeudi matin et selon un communiqué du ministère de l’Intérieur, le décès du chef religieux de la communauté mouride (plus importante confrérie musulmane du Sénégal) a été « constaté » à 06h20 GMT, heure locale, par le médecin du centre de santé de Mbacké. Cette ville est le chef-lieu du département dont dépend Touba, cité religieuse située à 180 km de Dakar et considérée comme la « capitale du mouridisme ».
L’homme, qui faisait l’objet d’une réquisition d’incarcération et d’un mandat d’arrêt, s’était évadé de la prison le 29 avril dernier. De sources policières, les agents de la brigade spéciale qui le traquaient depuis plusieurs jours, ont entendu un coup de feu avant de défoncer, jeudi à l’aube, la porte de l’un de ses domiciles de Touba, dans le quartier Gare Bou Ndaw. Ils l’ont alors trouvé gisant, une balle logée dans la tempe droite, une arme de petit calibre près de lui.
» Suicide ou bavure policière ? «
Khadim Bousso avait été condamné pour escroquerie et écroué suite à une affaire l’opposant à la banque sénégalaise Bicis et portant sur un montant de 2 milliards de F CFA (plus de 3 millions d’euros). Il avait profité d’un passage au pavillon spécial des détenus de l’hôpital Aristide le Dantec de Dakar pour s’évader. Pendant que son affaire défrayait la chronique, il avait déclaré, par téléphone depuis son refuge de Touba, qu’il préférait se suicider plutôt que d’avoir affaire à la justice.
Annoncée par les radios locales, la nouvelle de sa mort est largement commentée par la presse nationale. » Suicide ou bavure policière ? » s’interroge Sud Quotidien, qui cite l’avocat du défunt : » Monsieur Bousso est un croyant, la thèse du suicide est à écarter « . » Qui a appuyé sur la gachette ? » écrit en écho Le Soleil. En attendant les résultats de l’enquête et de l’autopsie, cette histoire suscite bon nombre d’interrogations. Tout d’abord, la mort de Khadim Bousso pose un problème de conscience à la société sénégalaise, fortement influencée par l’Islam, religion qui réprouve le suicide, a fortiori commis par un membre de la communauté maraboutique.
Le feuilleton judiciaire continue…
Elle met également en lumière les failles du système judiciaire sénégalais, certains reprochant aux autorités d’avoir laisser filer un peu trop facilement le marabout. D’autres, de n’avoir pas su prendre le minimum de précautions lors de l’arrestation. » L’Etat, le système judiciaire seraient-ils devenus dysfonctionnels au point de menacer la sécurité et la vie des citoyens ? Fussent-ils des prévenus ? » se demande Sud Quotidien. Enfin, le long feuilleton judiciaire n’est sûrement pas terminé avec la mort de l’homme d’affaires. » Comment les 2 milliards seront-ils remboursés ? Quels sont les voies et moyens que la banque compte mettre en oeuvre pour récupérer son argent ? » questionne Le Soleil.
Serigne Khadim Bousso, 50 ans et trois femmes, avait bâti sa réputation sur ses pouvoirs mystiques et sa fortune. Marabout par sa naissance et son appartenance à la famille de Sokhna Mame Diarra Bousso (mère de Cheikh Ahmadou Bamba, fondateur de la confrérie des Mourides), il était à la tête de deux entreprises : la Nouvelle société de commerce (Nosocom) et l’Internationale pour le développement du commerce sénégalo-maghrébin (Idecom). Il avait également créé le Regroupement des opérateurs économiques du Sénégal (ROES) et possédait de nombreuses villas, à Touba et dans d’autres régions du Sénégal.