La mort des journaux est-elle programmée ?


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Depuis des années, l’on parle avec insistance de la mévente des journaux au Niger, une situation qui sans aucun doute conduira à une mort certaine des périodiques indépendants. A cette mévente s’ajoute un crime grave : la location des journaux par des intellectuels qui n’ont aucun respect pour les efforts d’autrui.

Par Boubacar Diallo

De 1990 à 1995, les premiers périodiques privés nigériens se portaient bien sur le marché. Certains promoteurs de journaux écoulaient facilement de 10 000 à 15 000 exemplaires en moins de 48 heures. Aujourd’hui, le tirage est plafonné à 2 000 exemplaires, avec 500 de plus dans le meilleur des cas. Difficile de nos jours de vendre la totalité de cette petite quantité alors que 10 ans auparavant, cela ne représentait qu’une faible partie du lectorat de la capitale.

Quelles sont les raisons de cette crise ? Certains lecteurs ne trouvent pas de journaux qui les intéressent. D’autres soutiennent que le contenu des publications est vide et médiocre. D’autres encore sont rebutés par le prix de vente (300 F CFA) qu’ils trouvent trop élevé. Malgré toutes ces critiques, force est de constater que le nombre de lecteurs augmente de jour en jour. Il n’y a pas un foyer, pas un bureau, que ce soit dans le privé ou dans l’administration publique, où ne traînent pas des exemplaires. Le problème, c’est que le Nigérien veut lire sans mettre la main à la poche.

Retour des invendus

Ainsi, le « balseur » attend que son voisin se procure un journal pour profiter. De hauts fonctionnaires comptent sur le journaliste pour leur envoyer gratuitement la publication, au bureau ou à domicile… Sans penser à souscrire à un abonnement ou à payer une quelconque annonce pour la pérennité du journal qu’ils lisent régulièrement et gratuitement. D’autres personnes aisées quittent leurs quartiers huppés au volant de leurs grosses cylindrées, dépassants les vendeurs à la criée pour venir au siège du journal et se servir allégrement.

Il y a aussi les parents et amis proches qui ne comprennent pas que le journaliste ne leur offre pas le journal. Ce facteur peut même créer un conflit entre le journaliste et son entourage. Le vendeur à la criée dépose des exemplaires dans différents bureaux pour la lecture des fonctionnaires qui se les passent. Il revient en fin de journée ou le lendemain pour récupérer les journaux loués et aussi collecter quelques pièces de monnaie auprès de ces fonctionnaires sans vergogne. C’est ce qui explique qu’au ramassage, le service commercial du journal reçoit en retour des journaux « invendus » sales, chiffonnés et parfois déchirés.

Détournement des recettes

Enfin, il faut noter le vol de journaux chez l’imprimeur et les détournements des recettes de la vente dans les autres villes du pays au point où certains promoteurs ont tout simplement arrêté d’envoyer leurs produits dans certaines localités. D’autres ont même poursuivi les voleurs devant les juridictions locales. C’est le lieu ici de féliciter la Librairie Labo de Zinder et la radio Fara’a de Gaya. En effet, ces deux revendeurs tiennent une comptabilité sans faille et procèdent régulièrement à l’envoie des recettes. Mais tous ne sont pas comme eux.

Que faire alors pour que vivent les journaux privés ? La réponse à cette question implique tous les acteurs du secteur : journalistes, éditeurs, annonceurs, imprimeurs, vendeurs, lecteurs. Ils doivent se rendre compte que la presse est une entreprise au service de tous et doit donc être pérenne.

Boubacar Diallo est directeur de publication de l’hebdomadaire indépendant Libération (BP 10483 Niamey-Niger).

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