Les Ougandais séropositifs sont beaucoup plus susceptibles d’abandonner leur traitement antirétroviral (ART), lorsqu’ils ont parallèlement recours à la médecine traditionnelle et aux plantes médicinales, a révélé une étude menée par des chercheurs de la plus grande université d’Ouganda.
Le docteur Ronald Kiguba, chef de l’équipe de l’Université de Makerere qui a mené cette étude, a confié au correspondent d’IRIN que l’association des tradipraticiens à la médecine moderne doit être abordée avec plus d’attention. « L’Organisation mondiale de la Santé (OMS) affirme que 60 à 70 pour cent des Africains consultent en premier lieu un tradipraticien lorsqu’ils sont malades », a-t-il ajouté. « Les gens commencent par aller voir un tradipraticien, puis alternent entre les deux formes de médecine ».
Plutôt que d’écarter les tradipraticiens, il faudrait travailler en étroite collaboration avec eux. « Si ces guérisseurs traditionnels peuvent être formés correctement pour dispenser des traitements contre le VIH, alors ils pourront offrir de nouvelles perspectives en matière de soins de santé », a indiqué M. Kiguba. « Ce n’est pas facile…[mais] nous devons choisir entre cette solution ou continuer à perdre nos patients ».
Le gouvernement ougandais reconnaît que la population a très souvent recours à la médecine traditionnelle et que les guérisseurs ont une forte influence au sein de la communauté. En collaboration avec l’ong locale Traditional and Modern Health Practitioners Together against AIDS (Praticiens modernes et traditionnels unis pour lutter contre le sida), le gouvernement associe les tradipraticiens aux programmes de lutte contre le VIH.
Un patient sur cinq interrompt son traitement
L’étude, menée conjointement par l’école de médecine de l’Université de Makerere et le Joint Clinical Research Centre (centre de recherche clinique collaborative), visait à trouver des explications à l’interruption et au mauvais suivi du traitement ART censé prolonger la vie des patients atteints du VIH/SIDA.
L’étude a révélé qu’un patient sur cinq interrompait son traitement et qu’un sur quatre changeait au moins une composante de son traitement, ce qui pouvait en réduire l’efficacité.
Les chercheurs, qui ont présenté en février les résultats de leur étude lors de la 14ème Conférence sur les rétrovirus et les infections opportunistes (CROI), à Los Angeles, aux Etats-Unis, ont suivi 686 patients de deux grands centres de traitement ART de Kampala, la capitale.
Pour ces patients, le facteur coût était la première raison de l’interruption du traitement, ensuite les effets secondaires de la thérapie, puis le faible approvisionnement en produits. Il ressortait également de cette étude que les patients qui consultaient parallèlement des tradipraticiens étaient beaucoup plus susceptibles d’interrompre leur traitement.
Parmi les patients ayant interrompu leur traitement, quatre sur dix avaient invoqué comme motif le coût élevé des médicaments. Un peu plus de 20 pour cent des patients avaient affirmé avoir arrêté le traitement à cause de ses effets secondaires, alors que d’autres avouaient y avoir renoncé parce qu’ils se sentaient fatigués, déprimés, avaient retrouvé leur forme ou était absent de leur domicile.
Sept des dix patients ayant dit avoir changé de traitement, l’aurait fait principalement à cause de ses effets secondaires. Les célibataires, les patients sous traitement depuis plus de trois mois, ceux ayant commencé un ART en 2004 ou plus tôt, ainsi que les personnes prenant plus de deux comprimés par jour étaient plus susceptibles de changer de traitement.
Mieux sensibiliser et assister les patients
« Il nous faut identifier ceux qui risquent d’interrompre leur traitement, afin de leur apporter une plus grande assistance », a déclaré Kiguba.
Il est important de suivre scrupuleusement le traitement ART pour éviter que ne se développe une résistance aux médicaments, ce qui réduirait l’efficacité de la thérapie.
L’OMS recommande donc une phase de préparation et de sensibilisation des patients afin de susciter la plus grande adhésion possible au traitement ART avant le démarrage de ce dernier. Une fois le traitement démarré, l’OMS préconise également une phase de suivi incluant une évaluation par des médecins, un décompte des comprimés ainsi que le contrôle des fiches patients.
Au cours des deux dernières années, l’Ouganda a réalisé d’importants efforts en matière d’accès aux traitements ART qui, d’après le gouvernement, auraient bénéficié à plus de 80 000 personnes, alors que 150 000 à 200 000 Ougandais vivant avec le VIH ont besoin de ce traitement qui prolonge la vie.
Photo: Kanya Ndaki/PlusNews