Malgré un vaste mouvement de boycott de l’opposition qui a appelé à des manifestations de masse lors de la campagne, la suppression du Sénat de Mauritanie a été approuvé par 85 pour cent des électeurs et un nouveau drapeau va désormais flotter avec des bandes rouges pour symboliser le sang versé contre le pouvoir colonial français. Par ces deux changements, le président Mohamed Ould Abdel Aziz se prépare le chemin vers un troisième mandat présidentiel.
Les Mauritaniens ont voté pour abolir leur sénat et modifier leur drapeau national par référendum, a annoncé dimanche la commission électorale, le lendemain du vote. Ces résultats sont une victoire claire pour le Président Mohamed Ould Abdel Aziz.
Avec un taux de participation d’un peu plus de 50 %, 85 % des électeurs ont validé samedi les changements proposés par référendum malgré les critiques et un important mouvement de boycott qui a appelé la population à manifester lors de la campagne.
Abdel Aziz, qui, la semaine dernière, a qualifié le sénat de «inutile et coûteux», a déclaré que l’abolition du Sénat améliorerait la gouvernance en introduisant plus de formes locales de législation.
Mais l’opposition mauritanienne, qui n’existe plus guère aujourd’hui qu’au sein du Sénat, a appelé au boycott, regroupant des personnalités aussi diverses que les conservateurs religieux et les activistes antiesclavagistes. Les membres des partis d’opposition ont tenu une conférence de presse dimanche au cours de laquelle ils ont dénoncé une «farce électorale qui a cédé la voie à la fraude à l’air libre», ajoutant que la population«avaient clairement rejeté les amendements constitutionnels».
L’opposition a déclaré qu’elle ne reconnaîtrait pas les résultats du référendum.
La participation n’était que de 36% dans la capitale, Nouakchott, mais elle était beaucoup plus élevée dans les zones rurales de la région de l’Ouest, atteignant parfois 80%, a déclaré la commission électorale.
Le mouvement de boycott a tenu plusieurs manifestations attirant des milliers de partisans, mais les forces de sécurité sont souvent intervenues et ont arrêté plusieurs rassemblements planifiés à proximité de la capitale avec des gaz lacrymogènes en début de semaine dernière. Des manifestants ont aussi été molesté à coup de matraques. Le Bureau des droits de l’homme de l’ONU a déclaré jeudi que «les chefs de protestation auraient été battus et un certain nombre d’entre eux ont été arrêtés» lors de manifestations de campagne au cours des dernières semaines, en invitant le gouvernement à assurer des élections justes et crédibles.
Les groupes d’opposition opposés à la mesure se disent préoccupés par le fait que, malgré les prétentions d’Aziz, ce référendum pose les bases d’un troisième mandat aujourd’hui interdit par la Constitution.
Mohamed Ould Abdel Aziz a lui-même a alimenté la spéculation samedi en disant que «dans deux ans, voire 10 ans, d’autres amendements pourraient être apportés pour adapter notre constitution à la réalité». La proposition de modification de la constitution permettant de supprimer l’interdiction de dépasser deux mandats consécutifs, en vigueur depuis 1991, a été rejetée par le Sénat en mars, d’où le référendum actuel visant à sa suppression.
Le président Aziz est venu au pouvoir en coup d’État en 2008 et a été élu en 2009 et à nouveau en 2014 pour un deuxième mandat de cinq ans.
Enfin, sur le second point du referendum, le drapeau mauritanien présentera désormais des bandes rouges ajoutées au drapeau vert actuel avec le croissant et l’étoile islamiques jaunes, pour honorer le sang répandu par ceux qui se sont battus pour la liberté et qui ont résisté face au maître colonial français.