La mafiafrique selon SURVIE


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interview de François-Xavier Verschave
François-Xavier Verschave

François-Xavier Verschave, président de l’association SURVIE, explique ce qu’est la « mafiafrique ». Un terme qu’il a fabriqué, afin de décrire la mise en commun, en Afrique, de divers réseaux illégaux et internationaux.

L’association SURVIE, qui lutte pour l’assainissement des relations franco-africaines, dénonce la mutualisation, en Afrique, des réseaux illégaux d’influence. Mutualisation qu’elle nomme « mafiafrique ». Nouvelle rencontre avec François-Xavier Verschave, un humaniste prolixe et militant.

Afrik.com : Lors de notre dernier entretien, vous nous avez laissé entendre que le risque majeur pour l’Afrique aujourd’hui est ce que vous appelez la « mafiafrique », qu’en est-il exactement ?

F-X Verschave : A l’origine, la Françafrique est une distorsion entre des réseaux de coopération officiels mis en place à la suite de l’indépendance, et des réseaux illégaux qui maintiennent une relation de dépendance entre la France et l’Afrique.

Cet ensemble de réseaux parallèles est devenu, petit à petit, autonome vis à vis des autorités françaises et africaines et travaille seul en opposition à tout principe d’obéissance.

La Françafrique rencontre en Afrique d’autres pays qui ont eu des histoires différentes avec les Etats du continent noir, mais la plupart d’entre eux ont développé les mêmes genres de réseaux d’influence. Je peux vous citer, par exemple, la Grande-Bretagne qui a un réseau de mercenaires connu et puissant appelé Executive Outcomes, ou les USA qui ont dû avoir recours à des moyens occultes pour infiltrer l’économie somalienne qui se refusait à eux. Bien d’autres pays ont, sur leur sol, une présence étrangère illégale. L’Angola, par exemple, est infiltré par les réseaux russes et brésiliens.

Le Cameroun est l’un des plus grands exemples de présence de réseaux d’influence internationaux sur son sol. Ils entrent tous à des niveaux différents dans le trafic du bois. Il y a bien sûr la France, les USA, l’Italie, le Liban et la diaspora chinoise.

Cette « mafiafrique » suit la même évolution que l’ensemble des relations internationales. Elles étaient à l’origine majoritairement légales et minoritairement frauduleuses, mais elles sont en train de s’inverser. C’est à dire que la minorité des relations reste officielle et que la majorité devient illégale. Cette inversion est due, en grande partie, à l’explosion des paradis fiscaux et à l’impunité donnée de plus en plus facilement à ceux qui blanchissent l’argent du crime. A titre d’information, on compte environ 800 milliards de dollars qui sont blanchis par an !

Le problème particulier à l’Afrique est démultiplié car presque tous les acteurs étrangers présents sur le territoire ont pris des habitudes de criminalité politique ou financière. Le risque actuel est que l’ouverture de l’Afrique ne laisse s’infiltrer, de manières occultes, de nouveaux acteurs qui prendront les mêmes habitudes que ceux qui sont déjà présents.

Afrik.com : Ce risque est-il encore une hypothèse, ou est-il déjà une réalité dans certains pays ?

F-X Verschave : Malheureusement, certains pays sont déjà victimes de cette criminalité. Des réseaux sont déjà opérationnels dans l’exploitation du pétrole en Angola, ou du bois en Afrique Centrale.

Afrik.com : Dans ce problème, les autorités jouent un rôle. Il en va de même pour la France que pour les autres pays. Quelle est votre action par rapport au gouvernement français ?

F-X Verschave : L’association SURVIE a rapidement été amenée à s’intéresser à tous les problèmes liés à la Françafrique, mais nous ne nous imaginions pas que cela touchait de si près au système politique français et que la classe politique était compromise. Nous ne nous sommes pas découragés, et nous envoyons régulièrement des courriers aux différents ministères pour les sensibiliser à ce problème. Bien sûr, il n’y a jamais de victoire immédiate, mais nous parvenons à convaincre certains hommes politiques, qui nous aident à effectuer un travail de délégitimation de la Françafrique. Nous obtenons aussi souvent des réponses en langue de bois, mais, pour citer Guillaume d’Orange : « Rien ne sert d’espérer une réponse, pour interpeller ».

Afrik.com : Puisque nous parlons du gouvernement français, qu’elle est le rôle que ces acteurs jouent dans les évènements politiques africains ?

F-X Verschave : Pour prendre un exemple précis, dans l’actualité, les réseaux français étaient très présents en Côte d’Ivoire, lors des élections. Chacun des candidats avait derrière lui un réseau français. Chirac a soutenu Bédié, et soutenait Guéï, Michel Roussin* était du côté de Ouattara et Gbagbo recevait l’aide du Parti socialiste français. Bien sûr, le peuple a eu son mot à dire dans cette affaire, et heureusement…Cependant, il a montré qu’il avait lui aussi des failles et que l’on pouvait attendre de lui le pire comme le meilleur : les ivoiriens sont parvenus à la fois à abolir la dictature, et à se massacrer entre eux.

* Michel Roussin : ancien ministre RPR de la coopération et ancien directeur du cabinet de Jacques Chirac à la Mairie de Paris.

Retrouvez notre précédente interview de François-Xavier Verschave

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