Mouammar Kadhafi dispose toujours de réseaux et d’une réelle popularité dans plusieurs régions du continent africain tandis que les membres du CNT peinent encore à instaurer la paix en Libye. La transition s’avère risquée pour la population et les bouleversements en cours sont l’occasion de reconfigurations géopolitiques dans une région fragmentée et dominée par les jeux de puissance et les logiques de nuisance. Synthèse d’une analyse de l’Institut Thomas.
Alors que la guerre civile en Libye semble toucher à sa fin, l’ombre de Mouammar Kadhafi laisse encore planer des menaces de déstabilisation dans le pays. La victoire des rebelles, entrainés pendant 6 mois et parvenant en moins de 48 heures sur la place à Tripoli, a étonné. Mais l’attitude des nouveaux dirigeants de la Libye reste encore floue pour le peuple libyen. Par ailleurs, le guide libyen a longtemps eut une influence importante sur la bande sahélo-saharienne et le conflit a entraîné une phase d’incertitude quant à l’avenir des relations entre la Libye et ses anciens pays amis. Incertitude que l’augmentation du nombre d’armes aux mains de groupes terroristes et criminels ne peut que renforcer.
La situation est quasiment identique pour le Niger et le Mali qui peinent à récupérer leurs régions du Nord. Les inquiétudes devant les répercussions de la guerre civile ont favorisé le rapprochement entre les trois États du Sahel (Mali, Mauritanie et Niger) et l’Algérie. Le rôle de ce dernier visant à s’imposer dans la guerre civile en Libye comme une puissance régionale dans la lutte contre le terrorisme. Si les acteurs de la région ont des ambitions géopolitiques, les puissances mondiales souhaitent elles aussi participer à ces luttes d’influence. À la suite des attentats du 11 septembre 2001, les États-Unis se sont implantés au Maghreb et au Sahel avec comme argument : la sécurité. En 2007, un commandement militaire régional pour l’Afrique (AFRICOM) est créé dans le but « d’empêcher l’établissement d’une zone pouvant servir de refuge à des terroristes de la région et d’empêcher les organisations terroristes de recruter et de former de nouveaux combattants.»
Les relations entre le pouvoir et les populations sont au cœur des enjeux
A cela s’ajoute le rapprochement Franco-Libyen et Chino-Africain, motivé par le désir d’accéder à l’approvisionnement en ressources stratégique. Les craintes sont à la hauteur des richesses dans les sous-sols du Sahara et des pays du désert. Malgré la dénonciation par le Conseil national de transition (CNT) des négociations entre les entreprises chinoises d’armement et le régime de Kadhafi, Pékin fera tout son possible pour participer à la reconstruction de la Libye. De plus, les pays qui ont participé aux opérations militaires aux côtés des rebelles, à commencer par la France et le Royaume-Uni, seront avantagés. C’était le cas à la chute du régime de Saddam Hussein, ou les contrats ont été modifiés au profit des pays engagés aux côtés des États-Unis.
La priorité pour les pays européens est donc la gestion des conséquences de l’insurrection en Libye. La redistribution du pétrole, le nombre d’armes, sont autant d’enjeux à résoudre. De manière plus générale, les relations entre le pouvoir et les populations sont au cœur des enjeux.
La situation des Touaregs s’est considérablement dégradée avec la victoire des rebelles. Le représentant de la Coordination des Touaregs pour la Libye a demandé à l’Algérie d’ouvrir ses frontières pour permettre aux touaregs libyens de se réfugier dans le sud algérien. Quant au Niger, il fait face au retour de plus de 200 000 migrants travaillant auparavant de l’autre côté de la frontière, avec la Libye. L’Union européenne et les États membres disposent donc d’atouts pour peser dans la région. Mais surtout, Bruxelles a annoncé une stratégie pour le Sahel proposant sécurité, développement et réformes politiques. Face à ces incertitudes et menaces, les Européens n’ont guère d’autres choix que de s’impliquer dans la bande sahélo-saharienne, de défendre activement leur vision de la région et de son avenir auprès des acteurs régionaux et internationaux.
Lire l’analyse complète de l’Institut Thomas More : Après la chute de Kadhafi, la bande sahélo-saharienne entre jeux de puissance et logiques de nuisance