Un arrêt du Conseil d’Etat sanctionne le gouvernement français pour son refus de revaloriser la pension militaire d’un ancien sergent-chef sénégalais. La loi dite de » cristallisation « , votée le 26 novembre 1959, qui fixait le barème des retraites allouées aux combattants français et étrangers va donc être enfin révisée.
Amadou Diop a enfin eu raison contre l’Etat français, bien qu’à titre posthume. Cet ancien sergent-chef sénégalais avait porté plainte en 1996. Engagé dans l’armée française de 1937 à 1959, il en avait été radié lors de l’accession à l’indépendance du Sénégal. Il n’a jamais touché qu’un tiers de la retraite qu’il aurait dû percevoir s’il avait été Français.
Le 10 décembre, le Conseil d’Etat a confirmé l’arrêt de la Cour administrative en charge de l’affaire, jugeant que la distinction de traitement était une discrimination fondée sur la nationalité, contrevenant à l’article 14 de la Convention européenne des droits de l’Homme. La porte aux revendications des anciens combattants de tous les pays vient de s’entrouvrir.
Inégalités méconnues
Un barème inégal. Les pensions varient du simple au triple : 500 FF à Tunis, 1 500 FF à Dakar ou 2 800 FF à Paris pour 15 ans sous les drapeaux. Et les retraites seront gelées depuis la mise en application de la loi dite de » cristallisation » de 1959. Pas de quoi motiver les troupes.
Mais depuis l’arrêt du Conseil d’Etat, les héros d’hier en appellent à la justice d’aujourd’hui. Quatorze recours devraient être examinés par le Conseil d’Etat vendredi prochain et trente-cinq autres dossiers sont en attente au tribunal de Nantes. 85 000 personnes seraient concernées par la modification de la loi. Le gouvernement français va donc devoir prendre des mesures. Petit problème : les associations qui militent depuis longtemps pour cette révision ont du mal à contacter tous les intéressés.
Recherche anciens combattants étrangers
» Je dois me charger tout seul des revendications des combattants », reconnaît Baba Sada Sy, président de l’Amicale des bénéficiaires de pensions militaires françaises et de la ligue des droits de l’Homme au Mali, » ça ne me dérange pas mais j’y suis obligé car les gens ne savent pas tous lire ici. L’autre problème c’est qu’au fil des années nous sommes de moins en moins nombreux. Regardez, moi, par exemple, j’ai 75 ans… « .
Difficile de faire le relais : vieux, éparpillés aux quatre coins de la terre, parfois illettrés ou ne lisant pas le français, les anciens combattants étrangers ne constituent pas un lobby très efficace. Pour tenter de faire entendre leur voix, Bernard Poirrez centralise les demandes à Paris et réunit les associations de tous les pays à partir de son Association des combattants de l’Union française.
Selon lui, la vraie bataille débute maintenant : » Il est hors de question que l’on nous propose un budget global par pays. Cette question concerne des requêtes individuelles et les Etats d’origine de ces soldats n’ont rien à voir là-dedans. Nous ne voulons pas non plus d’une » cristallisation partielle « . Nous n’allons pas nous laisser faire. « . Anciens, peut-être, combatifs, sûrement.